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Le projet impérialiste – sioniste / Et la guerre qui s’étend de Gaza au Sud Liban

lundi 19 février 2024 par Marie Nassif-Debs

Un texte important de Marie Nassif-Debs : Dirigeante du Parti communiste libanais.

La guerre contre Gaza continue semaine après semaine, chose qui témoigne que la résistance palestinienne a réussi dans la durée, et malgré les massacres de masse, à faire encore plus que n’importe quelle armée arabe depuis 1948. Et donc à démontrer que plus le temps passe plus la position de l’entité coloniale créée en 1948 se heurte à un défi grandissant. Mais les événements de Gaza contribuent parfois à nous faire oublier les tueries qui se déroulent en Cisjordanie mais aussi au Liban où, là aussi la résistance n’a pas baissé les armes. Pour comprendre pourquoi Tel Aviv ne se limite pas à mener la guerre à Gaza, il faut redécouvrir ce qui est enfui depuis le début du projet sioniste, ses objectifs territoriaux à long terme que nous rappelle ici une dirigeante libanaise.
(La Rédaction/La Pensée Libre))

Le 18 janvier 1919, les « Alliés », vainqueurs de la Première Guerre mondiale, tinrent la « Conférence de paix de Paris » [1], dans le but, disaient-ils, de négocier les traités de paix avec les vaincus, mais aussi et surtout afin de redessiner la nouvelle carte du monde en distribuant officiellement les parts entre les vainqueurs, surtout que la Grande-Bretagne et la France (avec la Russie tsariste) s’étaient déjà mises d’accord en 1916, avant la fin de cette guerre, sur la manière de partager l’héritage de « l’homme malade » ottoman sous le nom « Accords de Sykes-Picot ».

Et que le ministre britannique des Affaires étrangères, James Balfour, avait présenté un an plus tard, en 1917, une promesse au mouvement sioniste, par l’intermédiaire de son représentant, le banquier Rothschild, de lui céder une partie de la Palestine et d’accroître le taux de l’immigration juive vers ce pays, vu que cette immigration n’avait pas donné les fruits espérés par le mouvement sioniste, puisque la proportion des juifs par rapport à la population indigène en Palestine ne dépassait pas, en 1919, les 8 %.

Voilà pourquoi, aucun des représentants des vingt-sept pays présents à la conférence n’a été surpris qu’il y ait parmi eux une délégation de l’Organisation sioniste mondiale, ni que cette délégation ait présenté un document contenant des propositions parmi lesquelles nous citons :

  • -Premièrement, la reconnaissance du « droit historique du peuple juif » en Palestine, et de son droit à reconstruire « sa patrie nationale » sur son territoire…
  • -Deuxièmement, le traçage des frontières de cette entité se prolongerait jusqu’au fleuve libanais Litani, au nord, à l’est jusqu’à la ligne ferroviaire du Hedjaz saoudien et au sud jusqu’à la région égyptienne du Arich [2].

Toutes les propositions, ou presque, furent acceptées ; et la Grande-Bretagne, désignée par la SDN puissance mandataire sur la Palestine, ce qui voulait dire qu’elle avait la décision exclusive d’accorder la citoyenneté palestinienne à qui elle voulait, allait faciliter, avec l’accord des autres puissances capitalistes, dont la France, l’expansion de l’émigration juive vers la Palestine.
Et, c’est ainsi que le nombre des Juifs est passé, en 22 ans, de moins de cent mille à quelques cinq cents mille (presque le tiers de la population). Cet événement fut célébré par la « Conférence Biltmore » qui s’était tenue en 1942 à New York et qui annonça que les émigrés juifs ont contribué à « faire fleurir le désert » et que le moment était venu pour que l’émigration juive se développe sans aucune condition, y compris en dehors des prérogatives de l’Etat mandataire.

À noter que Ben Gourion, non satisfait du fait que les Juifs ne représentaient encore que le tiers de la population palestinienne, avait déclaré alors, qu’il acceptait temporairement de construire son État sur une partie de la Palestine, à partir de deux critères : le premier, dépendant de la capacité du mouvement sioniste à assurer rapidement une présence décisive pour les Juifs dans la zone qu’il souhaitait contrôler ; le second, relevant de l’influence que le mouvement sioniste devait exercer sur les grandes puissances afin de les pousser à accepter les frontières du « Grand Israël » [3].

« La terre et la force » : mots d’ordre sionistes

Dans la bande de Gaza et en Cisjordanie

Ce que nous essayons de mettre au clair, c’est que tous les projets proposés par le mouvement sioniste et adoptés par la Grande-Bretagne, puis par les États-Unis devenus « puissance mandataire » après la Seconde Guerre mondiale, n’étaient que des projets partiels au sein du projet de base qui s’étend du Nil à l’Euphrate et dont « la Palestine historique », invoquée par le mouvement sioniste lors de la Conférence de Paris, devait constituer le cœur de ce projet.

Et, c’est pour réaliser ce projet de base que le mouvement de colonisation des territoires s’est toujours poursuivi sans relâche, à commencer par les territoires palestiniens occupés en 1948, et, surtout, après la guerre de 1967 et le texte de la résolution internationale 242 qui avait donné à l’entité sioniste la possibilité d’éviter le retrait de tous les territoires occupés (dont Al-Quds (Jérusalem) et la Cisjordanie palestiniennes, le Golan syrien, les fermes de Chebaa et les hauteurs de Kfarchouba libanaises) sous prétexte que la version anglaise de cette résolution parlait « de certains » et non de tous territoires occupés…

Il faut dire que le ministre des Affaires étrangères britannique, qui avait rédigé le texte de la résolution, a réussi, une fois de plus, à donner à cette entité la capacité de s’armer du pouvoir international afin de mettre la main sur la presque totalité de la Palestine, et sur une grande partie des hauteurs syriennes et libanaises qui surplombent la plaine de Houleh, et d’amener de nouveaux émigrants pour remplacer la population d’origine soumise, depuis 1948, à de multiples transferts forcés [4].

Il convient de noter que l’accélération du mouvement de colonisation, après la signature des accords d’Oslo en 1993, est venue réduire les pertes résultant du retrait de l’occupation sioniste de la bande de Gaza, du démantèlement des colonies qu’elle avait implantées à l’intérieur de celle-ci, tout en gardant la partie dite « Zone de couverture » qui encercle le territoire gazaoui, le transformant en une vaste prison à ciel ouvert où vivotent plus de deux millions de personnes menacées soit par une lente tuerie, soit par le déracinement.

À cela s’ajoutent la saisie d’une grande partie des terres palestiniennes en Cisjordanie occupée et le déploiement, par dizaines, de nouvelles colonies, ce qui fait que les Palestiniens vivent actuellement sur seulement 12% de leur territoire national originel, tout en rendant impossible la mise en œuvre de la résolution 181 du Conseil de sécurité de l’ONU concernant la partition de la Palestine et la constitution d’un nouvel État palestinien, si minime soit-il.

Enfin, il ne faut pas oublier toutes les attaques qui ont eu lieu contre les camps des réfugiés, notamment au Liban, les guerres et les opérations « punitives » contre l’OLP, en particulier contre les forces de la gauche qui en font partie, et les assassinats qui ont été perpétrés, et le sont encore, contre les dirigeants et les cadres palestiniens.

D’ailleurs, si nous examinons de près l’histoire des trente dernières années, nous pouvons nous rendre compte de ce plan, élaboré par le mouvement sioniste, dans le but d’achever la saisie de tout le territoire de la Palestine « historique » [5].

Il convient aussi de noter, ici, que ce plan reposait, et repose toujours, principalement sur le slogan « La terre et la force », c’est-à-dire s’emparer des terres appartenant aux Palestiniens tout en commettant les crimes de déplacement forcé et de génocide par la force des armes, notamment l’armée de l’air usant toujours des nouvelles technologies de pointe US.

Le pourquoi de toutes ces tentatives et tout ce déploiement de la force ?

Parce que le facteur démographique, prôné par certains sionistes extrémistes au pouvoir depuis Ben Gourion, n’a pas jusqu’à ce jour réussi à faire pencher la balance en faveur de l’occupant. Bien au contraire ; à la fin de chaque guerre d’agression, la fuite parmi les anciens colons et les nouveaux venus est prédominante. Par contre, le mouvement de l’immigration des Falachas [6] n’a pas réussi à inverser la tendance : les nombre des sionistes en Palestine occupée va décroissant [7].

C’est pourquoi, il est devenu nécessaire, pour les sionistes israéliens, de pratiquer un nouveau transfert, à Gaza cette fois, et aussi de massacrer toutes celles et tous ceux qui refusent de partir.
Mais pour aller où ?
Les avis des criminels vont de l’Égypte à une ile proche que l’on peut louer ; seuls seront tolérés, selon certains responsables sionistes, quelques deux cents mille nécessaires pour les bas travaux que les colons refusent de pratiquer [8].

En plus de ce qui précède, nous devons aussi citer deux facteurs importants qui font de Gaza un centre économique essentiel pour l’entité sioniste et pour les États-Unis.

Le premier de ces facteurs concerne les gisements de Gaz présents dans les eaux territoriales de Gaza et évalués à plusieurs mille milliards de dollars [9].

Le deuxième est que cette région est considérée, depuis le début des années 1960, notamment à la suite de la nationalisation du canal de Suez par Nasser et de l’agression tripartite qui l’a suivie, comme l’emplacement idéal pour construire un nouveau canal reliant le golfe d’Aqaba à la Méditerranée.

Ce projet, reporté à plusieurs reprises en raison de son coût élevé et de la différence de longueur avec le Canal de Suez, vient d’être renouvelé et redessiné dernièrement en collaboration avec Washington : il devrait passer par Gaza qui constituera la route la plus courte, la plus large (deux voies de navigation) et la moins chère… donc, une alternative plus lucrative, surtout que Washington en a impérieusement besoin pour faire face au projet chinois de la « Route de la soie ».

« Le projet du « Grand Israël

Mais ce projet visant à s’emparer de la bande de Gaza et à déplacer sa population vers l’inconnu marquera-t-il la fin de la colonisation en Cisjordanie et aussi la fin de l’expansion sioniste vers les pays alentour ?

La réponse à cette question est non.

En effet, le mouvement sioniste continuera, sauf en cas de dissuasion musclée, à vouloir aller de l’avant dans son projet expansionniste, présenté en partie à la Conférence de paix de Paris…

Rappelons que l’entité sioniste, non contente d’avoir soutiré au Liban, en octobre 2022, 1 420 kilomètres carrés de nos eaux territoriales gorgées de gaz, vient de poser le problème de la révision des frontières terrestres, mais aussi de l’application de la résolution 1 701 prise par le Conseil de sécurité à la suite de l’agression de 2006 contre le Liban et stipulant le retrait de toute résistance armée jusqu’à quarante-cinq kilomètres des frontières avec la Palestine occupée…
Ce qui veut dire repousser les frontières libanaises jusqu’au fleuve Litani présenté en 1919 par la délégation sioniste comme étant la frontière nord de son entité grandissante.

D’ailleurs, le sud du Liban subit, depuis le début de l’agression sioniste contre la Bande de Gaza, des agressions quotidiennes. La bande frontalière, mais aussi des villes et des localités du Sud profond, sont bombardées avec des armes interdites, dont le phosphore blanc ; plus de cent mille personnes ont été obligées de quitter leurs villages et leurs biens et quelques trois cents civils, dont des femmes et des enfants surtout, ont trouvé la mort. Le gouvernement Netanyahu ne se prive pas, non plus, de menacer la capitale Beyrouth…

Tous ces crimes, qui se poursuivent depuis plus de quatre mois contre les peuples palestinien et libanais, se déroulent à l’ombre du silence officiel arabe et international… à l’exception de la position honorable de la République de l’Afrique du Sud et de la Cour internationale de Justice visant à protéger les Palestiniens de Gaza et de prévenir le génocide que les sionistes préparent à leur encontre.

Enfin, il ne faut pas oublier la mainmise sioniste sur le Golan syrien occupé, avec la bénédiction de l’administration de Donald Trump, ni les tentatives d’expansion vers la Jordanie et l’Égypte, ni la forte présence israélienne dans le Kurdistan irakien.

Voilà pourquoi la seule solution possible réside dans la création d’un mouvement international de résistance. Un mouvement global et uni face aux plans colonialistes impérialistes et sionistes, quel que soit le nom sous lequel ils se présentent.

NB : Ce texte est basé sur un article en langue arabe paru, le 2 février, dans la revue « Taqaddom ».

Le 16 février 2024


Voir en ligne : https://la-pensee-libre.over-blog.c...


[1La Conférence de paix de Paris dura une année, au cours de laquelle plusieurs accords furent signés, dont, principalement, l’Accord de Sèvre considéré comme une mise en œuvre de l’Accord de Sykes-Picot.

La Société des Nations, alors créée, accepta le mandat de la Grande-Bretagne et de la France sur le Sultanat ottoman. On sait que la révolution bolchévique dévoila auparavant le contenu de l’Accord de Sykes-Picot, signé aussi par le ministre des Affaires étrangères du tsar, Sergueï Sazonov.

[2Cf. Les études et les livres parus à la fin du siècle dernier.

[3Cf. Le livre d’Anita Shapira « Land and Power », publié par l’Université de Stanford-Californie en 1999. Il nous faudra ajouter que l’appellation « Le Grand Israël » du projet sioniste fut utilisée pour la première fois, à la suite de la « Guerre des six jours » en 1967.

[4Il nous faut préciser que le premier point de la résolution 242 (signée le 22 novembre 1967, c’est-à-dire presque six mois après la guerre) stipulait ce qui suit : « Withdrawal of Israeli forces from territories occupied in the recent conflict », ce qui fut interprété « quelques territoires » vu l’absence de l’article défini « the » devant les « territoires occupés ». De plus, Lord Caradon avait ajouté une clause qui stipulait que la résolution serait votée telle quelle sans aucun amendement, de sorte qu’elle serait soit acceptée sans changement, soit rejetée. Seuls la Syrie et le mouvement Fath avaient déclaré leur refus…

[5Cf. La déclaration de l’entité sioniste comme « État des Juifs dans le monde », les tentatives poursuivies dans le but de « judaïser » Al-Quds (Jérusalem) et d’en faire la capitale de cet « État », le soi-disant « Accord du siècle » suivi par la Conférence de Manama au Bahreïn, l’extension du mouvement de normalisation des relations avec les pays du Golfe arabique et le Soudan afin de redonner vie à l’Accord de Camp David, les discussions incessantes concernant la création de l’État palestinien… Tout cela sous l’égide de l’administration étasunienne ‘républicaine ou démocrate’ qui use et abuse du droit de veto afin de protéger ce qu’elle appelle sa « base avancée » au Moyen-Orient. Il ne faut pas oublier, non plus, le régime préférentiel accordé par l’Union européenne à l’entité sioniste.

[6Juifs noirs d’Éthiopie, qui se disent les descendants des Hébreux venus de Jérusalem en Éthiopie sous la conduite de Ménélik, fils de Salomon et de la reine de Saba. On dit que près de 70 000 d’entre eux ont été accueillis en Israël au cours des opérations « Moïse » (1985) et « Salomon » (1991), après la reconnaissance officielle de leur appartenance au judaïsme.

[7Cf. le livre d’Ammon Safer « The Separation Barrier », deuxième partie, Université de Haïfa, 2004.

[8Revoir les déclarations de certains ministres du gouvernement Netanyahu, dont, en particulier, celles des ministres de la sécurité et des finances, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich.

[9Les eaux au large de la bande de Gaza comprennent deux principaux gisements de gaz : le premier est situé à 35 kilomètres à l’ouest de la ville de Gaza, et le second s’étend entre les eaux territoriale de cette région et celles des territoires palestiniens occupés.

   

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