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Je ne renonce pas à ma position et ne négociez pas ma liberté, nous demande Georges Abdallah
samedi 3 avril 2021 par Al Akhbar du 1er Avril
La visite de la ministre de la Justice du Liban Marie-Claude Najm puis celle du général de division Abbas Ibrahim à Paris ont été suivies d’une rencontre avec des responsables français au cours de laquelle a été discuté le cas du combattant Georges Ibrahim Abdallah. Elles ont remué des eaux jusque-là stagnantes et ont fait naître l’espoir que sa libération serait imminente. Selon des sources proches de l’affaire, « les négociations sont avancées", sans laisser place à un optimisme excessif. En effet, la France demande toujours à Abdallah de s’excuser pour son passé alors qu’il rejette fermement le principe de discuter de sa position politique et de sa lutte passée et actuelle.
"… Je vous le promets. Je ne vous abandonnerai pas", a déclaré le président français Emmanuel Macron aux Libanais après sa visite chez Mme Fairouz en septembre dernier ...
Pourtant il laisse George Ibrahim Abdullah dans les geôles françaises. Depuis l’explosion du port de Beyrouth le 4 août, Macron est venu deux fois au Liban, et à chaque visite il n’a pas cherché à effacer la honte qui recouvre son pays en raison de l’affaire Abdallah. Il a néanmoins parlé de « réformes » et a donné des leçons sur la « construction de l’État », oubliant au passage la violation flagrante des droits de l’homme par la France à l’encontre d’ Abdallah et son maintien en détention, qu’il reste privé de sa liberté alors qu’il a purgé sa peine dès 1999.
Trente sept ans se sont écoulés depuis l’arrestation du fils des « Brigades révolutionnaires libanaises – FARL » à Paris, faisant de lui le plus ancien prisonnier politique en Europe. Depuis lors la France exécute les ordres des États-Unis d’Amérique et de l’ennemi israélien pour ne pas le libérer, ni donner suite aux demandes de libération conditionnelle. En 2013, le parquet français a refusé d’appliquer la décision de la Chambre de l’application des peines de Paris et de libérer Abdullah. Les rejets de nombreuses demandes de libération conditionnelle se sont alors succédés.
C’est en 2018 que l’État libanais a, pour la première fois, pris en charge sans résultat encore la cause du militant Georges Ibrahim Abdullah. Trois institutions s’y sont engagées, la Présidence de la République, le Ministère des Affaires étrangères et des Expatriés et celui de la Sûreté Générale.
Les Français "ont fait du chantage" à Abdallah, sa liberté en échange d’excuses et repentir, ce que George a refusé.
Soudainement, la cause du militant internationaliste est revenue au premier plan sur la scène libanaise, et on a parlé de sa libération imminente.
Deux évènements "expliquent" ce développement positif.
La première est la visite de la ministre de la Justice du gouvernement intérimaire, Marie-Claude Najm, à la prison de "Lannemezan" et sa rencontre avec George deux fois en une journée, à chaque fois pour trois heures. La visite de Mme Najm en France était d’ordre privé en premier lieu. Avant de quitter le Liban, elle a recueilli l’aval du président Michel Aoun, du Premier ministre par intérim Hassan Diab et du reste des parties concernées pour une rencontre éventuelle avec Abdallah.
Le président Aoun s’était adressé au président français, lors de sa visite au Liban, au sujet de l’affaire Abdallah. Macron en a évoqué l’aspect juridique, c’est pourquoi Aoun a décidé de dépêcher une personnalité compétente en droit. Les préparatifs de la visite de Najm à la prison ont eu lieu après son arrivée en France. Des sources diplomatiques ont confirmé que les Français ont insisté à lier leur accord pour la visite avec l’abstention de la ministre de faire des déclarations aux médias avant et après la visite.
Robert Abdallah, le frère de Georges, dit que ce dernier était satisfait de cette rencontre avec Najm, d’autant que c’était la première fois qu’un ministre libanais lui rendait visite. Elle l’a informé que son affaire est suivie de manière officielle
Un deuxième événement était cette remontée à la surface. Il s’agit de la visite en France du directeur général de la Sûreté Générale, le général de division Abbas Ibrahim. Lors des réunions tenues avec des responsables français il a évoqué la libération d’Abdallah,l’insérant dans l’ordre du jour qui concernait la position française sur la formation du gouvernement libanais et les discussions préalables autour des éventuelles sanctions contre des responsables libanais pour obstruction à sa formation.
"Cette fois, il y a dans le dossier de Georgse Abdallah une volonté française sérieuse que nous ne connaissions pas auparavant", affirment des sources proches du dossier. Elles considèrent que "les négociations ont pris un axe décisif". Cependant, la prudence reste de mise car il ne faut pas trop compter sur la « conscience française ». L’affaire n’est pas encore terminée à cause des obstacles que les autorités françaises continuent de brandir.
Selon les mêmes sources, avant la visite de la ministre Najm - accompagnée de l’ambassadeur Rami Adwan - au détenu Abdallah, elle a rencontré des responsables français. Ils lui ont déclaré que « la clé pour résoudre l’affaire serait la publication d’un communiqué où Abdallah présenterait ses excuses aux familles des victimes des opérations dont il est accusé et ses remords sur son passé. Aussitôt une grâce présidentielle française lui sera accordée ».
Georges, qui célèbre son 70ème anniversaire le 2 avril, a rappelé au ministre de la Justice ses positions contre l’impérialisme, affirmant son attachement à la résistance, et réitérant son absence de remords et son refus de s’excuser pour son passé. Plus important encore, George adhère à ce qu’il avait annoncé précédemment : il refuse de mendier sa liberté et il souhaite que les autorités de Beyrouth ne négocient pas en son nom sa libération sur la base des conditions françaises. Il se considère comme un prisonnier politique et c’est à la France d’assumer la responsabilité de sa détention voire de son exécution en prison.
L’avocat d’Abdallah, le Français Jean-Louis Chalanset, a déclaré à Al Akhbar qu’aucun nouveau facteur n’était apparu dans le dossier. « En septembre dernier, nous avons soumis une nouvelle demande de libération conditionnelle, et nous n’avons toujours pas reçu de réponse ». L’avocat étudie actuellement la possibilité de transférer le dossier vers les instances juridiques de l’Union européenne.
Le silence officiel français s’est accompagné d’une montée des mouvements populaires condamnant la détention de Georges. Selon Robert Abdallah, ces mouvements s’intensifient "lentement mais régulièrement, que ce soit sous la forme d’une solidarité populaire ou des lettres que les députés envoient à l’Elysée pour libérer George".
On peut dire que, dans une certaine mesure, le sujet a commencé à devenir un enjeu d’opinion publique en France ».
Dans ce contexte, Alain Paujolat, l’un des fondateurs du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), affirme que les années précédentes « nous souffrions des campagnes d’intimidation et de désinformation pratiquées contre Georges et sa famille dans la presse française. Actuellement, la participation aux manifestations et aux réunions est encore relativement faible, mais on constate qu’elle s’est étendue à de nombreuses villes françaises ».
Paujolat, le fondateur du « Comité pour la libération d’Abdullah », estime dans une interview accordée à « Al-Akhbar » que « la balle est dans le camp des Libanais, qui devraient profiter de leurs relations avec l’administration française et demander sa libération ».
Les règles les plus élémentaires des relations internationales et de la diplomatie exigent que le Liban suspende toute coopération avec Paris en amont pour résoudre l’affaire Abdallah ... s’il est toutefois engagé à sa libération par l’utilisation de moyens « légaux ». Et non qu’il autorise Macron à retrouver ses « gloires coloniales » et à se comporter comme s’il était qualifié pour lancer des initiatives de « sauvetage », menacer de sanctions politiques et nommer des ministres et des fonctionnaires au Liban.
Ce d’autant que Macron représente une continuation de la mentalité française subordonnée aux intérêts d ‘« Israël ». Les échos de son discours à l’Institut Supérieur des Affaires – ESA - avant son élection à la présidence en 2017 résonnent encore. , Il avait annoncé depuis Beyrouth qu’il était « contre la reconnaissance par la France de l’État palestinien sans accord de paix entre les deux parties, et contre toute pression sur Israël ».
Georges n’est pas accusé d’avoir mené une opération contre des citoyens français, mais parce que sa lutte était dirigée contre les forces de domination et du colonialisme pour la défense des peuples, son « crime » restera impardonné par leurs « successeurs ».
Traduit par B.B de l’ANC