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Marseille/Foyer Zoccola : La logique de l’argent et le mépris colonial
lundi 19 avril 2021 par Charles Hoareau (ANC)
Ce vendredi 16 avril le rassemblement des résidents devant la direction régionale d’ADOMA avait un petit air de déjà vu pour un certain nombre d’anciens du foyer Zoccola. Il faut dire que comme il y a 27 ans, la direction d’ADOMA est revenue à la charge avec un projet de transformation du foyer au nom du bien être des résidents, bien-être dont elle ne s’est guère souciée pendant ces 27 ans.
Déjà en 1994 ADOMA (alors appelée SONACOTRA), avait eu un projet de « rénovation » qui devait se traduire par une forte augmentation des loyers et la fin de toute structure collective. 6 mois de grève des loyers plus tard, la SONACOTRA avait dû revoir sa copie, défaire certains des travaux réalisés, renvoyer certains des équipements, diminuer le loyer, bref prendre en compte les revendications des résidents.
Et voilà que leurs successeurs remettent ça.
Avec les mêmes méthodes et le même mépris.
De quoi s’agit-il ?
Un beau jour de 2016, sans crier gare, la direction régionale de ADOMA a annoncé aux résidents qui ne l’avaient pas demandé, que leur foyer allait être détruit et qu’il leur serait imposé d’intégrer des logements un peu plus loin. Cela au nom de la lutte contre le logement insalubre et la nécessaire modernisation du foyer.
Dès lors les résidents, par le biais de leur association, écrivaient sans tarder le 18 juin 2016 « Nous pensons que si le projet de résidence est fait pour reloger les résidents, on doit nous y associer, nous informer ». Plus loin ils indiquaient « le vivre ensemble que nous avons choisi est un avantage, pas un inconvénient » et ils concluaient « on ne veut pas qu’on nous isole ».
On ne peut plus clair.
Et bien sûr comme en 1994, aucune réponse. Ni d’ailleurs aux autres interpellations que feront les résidents dont les questions sont de plus en plus précises.
Quelques réunions de pseudo consultation prévues mais qui n’ont pas lieu à cause d’un confinement qui vient à point nommé et le tour est joué : mars 2021 un cadre régional vient au foyer présenter un diaporama vantant les mérites du futur eldorado promis aux résidents en espérant sans doute les félicitations, les sourires et voire les applaudissements…
Sauf, que cela ne se passe pas comme prévu. Les résidents, exaspérés de ne pas avoir de réponse, font, comme en 1994, appel au comité chômeurs CGT qui répond présent. Forts du soutien du syndicat, les résidents redisent leur refus de ce projet qui comporte des éléments inacceptables pour eux.
- - Forte augmentation des loyers
- - Non-relogement de fait de 50 résidents sur 115
- - Suppression de la mosquée
- - Absence de parking (ce qui est normalement obligatoire pour toute construction neuve)
- - Fin des cuisines collectives ce qui est clairement une remise en cause du mode de vie des résidents dont la plupart sont des Français qui viennent du sud Sahel et ne veulent pas perdre ici leurs traditions familiales.
En effet pour quiconque connait un peu ces résidents (ou s’intéresse à leur mode de vie) sait qu’ils mangent en communauté, que chez eux celui qui est au chômage est pris en charge par le groupe, qu’ils font leur course pour le collectif, bref une vie où la solidarité est le moteur.
Cela ADOMA ne veut pas en entendre parler et devant les questions et les désaccords de plus en plus pressants, tant des résidents que de leurs soutiens du comité chômeurs, le cadre promet de revenir avec un diaporama plus long afin que les résidents puissent mieux imaginer leur futur eldorado…
Évidemment cela ne convainc personne et les résidents s’organisent pour s’opposer au projet. Sentant le vent venir, la direction finalement convoque, (par lettre RAR SVP !!) les 3 délégués du foyer.
C’était ce vendredi 16 avril qu’une délégation de 4 personnes : 2 de la CGT et 2 représentants des résidents étaient reçus à la direction régionale, pendant qu’un rassemblement de soutien se tenait en bas.
Sans surprise le directeur régional après plusieurs considérations sur la nécessité de blablabla, nous parlait de sa volonté de dialogue qui blablabla, qu’on était dans le cadre d’un plan de l’état pour passer en logement individuel…
Que cette opération se fasse à Marseille dans le cadre du plan Euroméditerranée, cela nous le savions avant d’entrer dans la salle.
EUROMEDITERRANEE c’est quoi ?
Un projet qui vient de loin, de 1995 exactement sous la municipalité Vigouroux. Ce projet est porté par un EPA (établissement public administratif) qui réunit l’union européenne bien sûr, et l’état, la région, le département et la ville). Il a pour ambition de faire une « rénovation urbaine » en vue de réaliser « un quartier d’affaires ».
Entre le nom et la présentation tout est dit.
C’est à ce projet magnifique, auquel aucune force politique ne s’oppose, que l’on doit la réalisation des deux tours qui défigurent la ville et ont coûté fort cher au contribuable, la destruction de logements anciens pour, non pas faire des logements accessibles aux faibles revenus, mais réaliser une opération de gentrification qui a entrainé pas mal de luttes dans les quartiers concernés.
Toutes réalisations approuvées entre gens qui se côtoient joyeusement depuis des années et sont d’accord sur l’essentiel quoiqu’ils disent en public. C’est ainsi le cas de Samia GHALI la maire de secteur, qui siège au Conseil d’Administration d’Euroméditerranée et qui voudrait abuser les résidents en espérant leur faire croire qu’elle les soutiendra contre des projets qu’elle n’a pas combattus.
Au départ Euroméditerranée concernait l’hypercentre il s’est ensuite étendu aux quartiers Nord englobant dans son périmètre le foyer Zoccola. Pas le meilleur lieu pour faire « des affaires » au sens où l’entendent les promoteurs du projet.
Après avoir patiemment écouté le représentant d’ADOMA les réponses des 4 représentants fusent : « Vous faites les choses à l’envers ! maintenant que votre projet est terminé vous dites que vous voulez discuter…Et ne nous parlez pas du confinement notre premier courrier date de 2016 et vous ne nous avez jamais répondu là vous nous recevez parce qu’il y a la CGT…
Comment on fait pour les 50 logements qui manquent ?…
On n’a pas demandé à déménager, vous vous pensez à votre compte en banque…
Vous nous dites que vous voulez que nous soyons bien alors qu’on reste parfois une semaine sans eau chaude… »
Le directeur essaie de se défendre…mal « le foyer est en fin de vie » (oups !!) La réponse est cinglante « ce foyer a été rénové en 1994 si à Marseille on devait détruire tous les immeubles de plus de 30 ans il n’en resterait pas beaucoup…la chaudière il suffit de l’entretenir ou de la changer. C’est ce que fait toute personne qui est propriétaire de son logement ».
La logique de l’argent et le mépris colonial
Puis vont venir deux questions qui résument la volonté d’ADOMA et de l’État derrière lequel elle se retranche :
« c’est une volonté d’obliger les gens à ne plus manger ensemble ? »
« Oui on ne reviendra pas là-dessus, c’est pour empêcher les trafics » (sic !)
« Trafics de quoi ? »
La délégation a du mérite de ne pas s’énerver devant les clichés racistes accumulés avec précaution, mais employés quand même par le directeur sur de supposés employés à la cuisine (on voit qu’il ne connait rien à la solidarité villageoise et familiale), sur des gens de l’extérieur qui viendraient prendre leur douche (alors que les douches sont individuelles et dans les studios) sur la porte extérieure « volontairement cassée » alors qu’au moins 5 courriers demandant qu’elle soit réparée sont restés sans réponse…
Il ne connait rien, donne l’impression de n’avoir jamais mis les pieds au foyer et manifestement il est surpris que les résidents en connaissent tant.
Le mépris colonial dans toute sa splendeur : pliez vous à notre modèle !
Il tente de dire que l’APL va combler l’augmentation et c’est sa propre adjointe qui lui fait remarquer que cela ne concerne que 20% des résidents, les autres n’y ayant pas droit, et la responsable du comité chômeurs lui parle des économies que l’état veut faire sur ce poste.
Il finit par bafouiller qu’il n’y aura pas de caution supplémentaire à verser (car c’était un comble, non seulement ADOMA voulait imposer aux gens de déménager mais en plus entendait leur demander une caution pour cela !). Il dit aussi qu’il y aura 10 places dans un autres foyer (jusqu’à ce qu’il soit rénové lui aussi, foyer d’ailleurs plus ancien que Zoccola).
La 2e question qui entraine une réponse claire elle aussi c’est :
« Comptez-vous, maintenant que les discussions s’engagent revoir votre projet ?
Non il n’en est pas question le dossier est bouclé »
CQFD : cela s’appelle les joies du dialogue social.
La délégation tout comme celles et ceux qui l’accompagnaient n’avaient pas d’illusion, ils ne ressortent donc pas déçus mais déterminés.
Déjà le hold-up sur les cautions est arrêté.
Pour la suite on se revoit et on n’est pas prêts de lâcher !
Affaire à suivre donc !