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Les fissures dans l’édifice de l’Occident s’agrandissent
jeudi 22 juin 2023 par Themis TZIMAS
La périphérie mondiale défie le pouvoir étasunien et construit rapidement des structures alternatives à celles contrôlées par Washington.
Alors que dans notre pays, la machine de propagande occulte toute nouvelle réelle, à l’échelle internationale, les fissures dans l’édifice de l’Occident collectif s’agrandissent à une vitesse stupéfiante. En l’espace de quelques mois, des évolutions ont eu lieu qui auraient semblé impensables il y a quelques années, non pas simplement parce que la périphérie mondiale défie la puissance étasunienne, mais parce qu’elle construit rapidement des structures alternatives à celles contrôlées par Washington.
Pire encore pour cette dernière, les alliés traditionnels des États-Unis qui jouent un rôle de premier plan dans les systèmes de sécurité régionaux se joignent à ces options.
La détérioration des relations avec l’héritier du trône en Arabie saoudite est sans précédent et n’est pas cachée. Comme si cela ne suffisait pas, l’Égypte a demandé à rejoindre le groupe d’États des BRICS. Jusqu’au lancement de l’opération militaire spéciale russe, et surtout en pleine pandémie, les BRICS semblaient reculer en termes d’empreinte internationale.
La décision des États-Unis et de l’Union européenne, en février dernier, de tenter d’étrangler l’économie russe à l’aide du dollar et des institutions financières internationales, ainsi que le vol des réserves de change russes, ont radicalement changé la donne.
La façon obsessionnelle et arrogante dont l’Occident a géré son pouvoir dans les circuits financiers internationaux a poussé des dizaines d’États à chercher la sécurité dans des formations alternatives, plus particulièrement mais pas exclusivement les BRICS, et à mener entre eux des échanges commerciaux sans dollars.
Personne n’est aujourd’hui assez naïf (à l’exception de l’UE qui a été entièrement subordonnée) pour ne pas se rendre compte que les États-Unis se comportent comme un État voyou à l’égard et de leurs alliés et de leurs ennemis.
Le dernier cas en date est celui de l’Égypte.
La précarité interne du régime de Sisi et les difficultés économiques auxquelles il est confronté, les exigences du FMI dont l’Occident lui montre la porte, quelques questions difficiles sur les droits de l’homme dont il sait qu’elles reviendront sur le tapis dès que quelqu’un à Washington le décidera, et l’échec des politiques anti-iraniennes encouragées par les États-Unis sont des raisons suffisantes pour qu’il veuille jeter l’ancre à l’autre bout du monde.
Les approches économiques sont les premières, mais lorsque les synergies à ce niveau s’intensifient, d’autres ne manqueront pas de suivre dans les domaines politique et militaire. Pour les États-Unis, toute fissure dans les relations avec l’Arabie saoudite et l’Égypte en même temps est potentiellement catastrophique.
La sécurité régionale d’Israël et des États-Unis repose en grande partie sur ces deux pays. La Turquie suit et la Grèce est encore plus en retrait.
Mais les mauvaises nouvelles pour les États-Unis ne s’arrêtent pas là. Il y a quelques jours, l’Asian Clearing Union (ACU), qui regroupe les banques centrales de l’Inde, du Pakistan, de l’Iran, du Bangladesh, du Myanmar, des Maldives, du Népal, du Sri Lanka et du Bhoutan, a accepté d’utiliser le système de messagerie financière iranien comme alternative au système SWIFT.
Dans un monde dont on sait depuis au moins deux décennies qu’il serait à la pointe des développements en Asie et en Afrique, la puissance étasunienne sur ces mêmes continents diminue de façon surprenante.
Naturellement, les États-Unis tenteront de lancer une série d’opérations hybrides contre ces États : Les droits de l’homme, les "révolutions de couleur", les défections, les sanctions, les mouvements sécessionnistes et même les rivalités régionales seront mis à contribution.
Mais Washington ne semble pas en mesure d’enrayer cette tendance.
Cette tendance nous concerne non seulement dans le contexte général et international, mais aussi dans le contexte régional immédiat. La grille de patronage étasunienne sur la Méditerranée orientale est destinée à suivre le cours général de la retraite. Et contrairement à la Turquie, l’establishment grec n’a aucune envie de se préparer à ce moment, même si ce dernier pourrait être beaucoup plus proche que nous ne le soupçonnons.
PS. Si vous voulez comprendre pourquoi les élites européennes se soumettent aux intérêts de la puissance qui les force à payer l’énergie quatre fois plus cher, à délocaliser leurs industries aux USA et à limiter les relations commerciales avec tous leurs meilleurs partenaires commerciaux autres que les USA/UK/Canada ...suivez l’argent de ses élites dirigeantes et/ou possédantes. Voir cet entretien du démographe et géo-politologue Emmanuel Todd : 7sc > |
Themis TZIMAS est avocat, docteur en droit public et en sciences politiques à l’université Aristote de Thessalonique et chercheur postdoctoral. Il a publié des études dans des conférences internationales et des revues juridiques et a participé à diverses missions internationales.