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Loi Immigration : un outil de division et de sur-exploitation

dimanche 31 décembre 2023 par PCRF

Après bien des tergiversations, dont on pouvait prévoir qu’elles se concluraient par une alliance idéologique entre Renaissance, LR et RN, la loi relative au droit d’asile et à l’immigration en France, portée par le ministre Darmanin, a finalement été adoptée le 19 décembre 2023 dans la quasi totalité de sa version durcie par le Sénat.

Rappelons que ce texte s’ajoute à la longue série de 117 textes produits sur ce sujet depuis 1945.

Il cristallise une avancée pour le patronat français : la mainmise de ce dernier sur l’attribution ou non de papiers aux travailleurs étrangers, avec la possibilité (mais rendue non automatique, puisque laissée à la discrétion des préfets) de régulariser des sans-papiers dans les "métiers en tension" (comprendre : pour les tâches les plus difficiles et les moins bien payées).

La réalité est que c’est un nivellement par le bas pour l’ensemble des masses populaires immigrées en France. Sur ce modèle, les personnes qui actuellement renouvellent un titre de séjour tous les cinq ans, par exemple, seront amenées à le demander tous les ans sous conditions de l’accord de leur patron.

La version sénatoriale envisageait la suppression de l’Aide Médicale d’État (AME), structure de solidarité en France arrachée par les masses populaires et instaurée en 1999 ; cette aide est en effet centrale, car elle existe pour aider des membres de la société qui n’ont pas de papiers en cas de maladie (rappelons que si nous n’avons pas de papiers et que nous devons aller à l’hôpital, c’est 1500 euros par jour en France en 2023 !) ; la démonstration a rapidement été faite que sa suppression non seulement rapporterait très peu d’argent (car actuellement la moitié des personnes qui peuvent la solliciter ne le font pas), mais coûterait finalement très cher, puisque les malades qui finissent aux urgences sans avoir été soignés en amont pèsent beaucoup plus lourdement sur les finances des hôpitaux.

Nulle surprise, donc, si les députés Renaissance se sont unis aux députés de « gauche » contre le RN et LR, pour rétablir l’AME en Commission de l’Assemblée fin novembre. Mais l’attaque idéologique contre le bouc-émissaire immigré prétendument dangereux pour le système de protection sociale a bel et bien été portée ; pour preuve la promesse faite aux LR par Élisabeth Borne de proposer une "réforme" de l’AME en 2024, quand on sait l’effet de régression de toute "réforme", sous l’ère Macron...

L’opération de division démagogique, en lien avec la "préférence nationale" promue par le parti lepéniste, est à l’œuvre, puisque le texte voté conditionne, pour les étrangers non-européens en situation régulière, les prestations sociales (allocations familiales, APA, APL) à cinq ans de résidence sur le territoire français (ou près de 3 ans pour les travailleurs).

Ajoutons, en matière de discrimination avérée, le scandale de la "caution de retour" exigée pour les étudiants étrangers, la nouvelle augmentation des frais de scolarité pour les étudiants extraeuropéens (qui paient déjà dix fois plus que les autres depuis 2019 !), et des quotas d’autorisations à l’installation en France une fois les études achevées.

Enfin, la remise en cause du droit du sol, pour les jeunes nés en France de parents étrangers, à qui on impose une démarche volontaire pour demander la nationalité française avant leurs 18 ans (impliquant que leur naissance, leur scolarité et leurs premières années de vie en France ne font pas d’eux automatiquement des Français comme les autres), constitue un pas de plus franchi dans la mise à l’index et le racisme d’État opérés contre une partie de la jeunesse populaire.

L’État français se structure comme un gigantesque outil de répression.

Dans les Centres de Rétention Administrative (CRA), qui sont les prisons pour le seul crime de ne pas avoir de papiers, la durée de la première phase de la rétention administrative passe de 48 heures à 4 jours, puis, pour les étrangers visés par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) de 90 à 135 jours.
La loi accélère les délais d’instruction des demandes d’asile en réformant l’organisation de la Cour nationale du droit d’asile et la création de guichets « France asile » dans les préfectures.
Les possibilités d’expulsion sont étendues aux parents d’enfants français, conjoints de Français et étrangers en France depuis dix ans, qui en étaient jusqu’à présent protégés.

D’autres mesures répressives complètent le dispositif, comme la durée maximale de l’interdiction de territoire français, passée de trois à cinq ans.

Enfin, pour faire croire à un peu d’humanité dans cette somme de mesures répressives, l’Intérieur accepte l’interdiction du placement des mineurs en centre de rétention administrative, mais seulement à compter du 1er janvier 2025, afin de « laisser du temps à la police aux frontières et à l’aide sociale à l’enfance de se préparer » (sic !). Belle humanité, qui consisterait à séparer les parents (enfermés en CRA) et leurs enfants (placés où et combien de temps ?), en attendant que les mineurs deviennent majeurs, et soient à leur tour emprisonnables dans lesdits CRA…

Évidemment ce projet ne vise nullement à régler les problèmes fondamentaux qui se posent aux migrants dans notre pays : N’oublions pas la misère et la non solidarité dans laquelle sont plongées ces masses populaires comme en ce moment à Calais, suite aux inondations ou sous les ponts de Paris !
N’oublions pas l’extrême dangerosité des conditions de voyages dans lesquelles des centaines de personnes meurent noyées tous les jours ! N’oublions pas les organisations fascistes croissantes, qui agressent et harcèlent ces personnes en France tous les jours !

Cette loi vise en fait à dévaluer encore plus une force de travail déjà dévaluée pour une exploitation plus aisée de celle-ci. Darmanin utilise le fameux argument, qui n’en n’est pas un, « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde », et se fait le relais des mensonges les plus nauséabonds.

En effet, au total l’Europe n’accueille pas plus de 5% des mouvements migratoires mondiaux ; la majorité des personnes qui fuient leurs pays vont dans un pays voisin et une bonne partie des personnes immigrées en France veut gagner un autre pays.

Il nous parle des finances qu’il faut prioriser, il nous parle de « fraudes aux allocations », il nous parle de violence croissante dans la société. Or, de tout cela, c’est la politique de son gouvernement qui en est la seule cause. Les trous dans les finances ne sont pas dus à quelques milliers d’euros accordés à des familles à la rue, mais à la suppression de plusieurs milliards de l’ISF et aux cadeaux fiscaux multipliés.
Les fraudes aux allocations sont deux fois moins importantes que le nombre de personnes qui y ont droit mais ne les demandent pas. La violence croissante de la société, c’est d’abord le fruit des injustices accrues, de la misère toujours plus insupportable dans un pays riche comme le nôtre, de la violence policière à répétition notamment contre la jeunesse populaire...

Cette loi, comme toute loi, n’est pas en elle-même une modification des rapports sociaux, mais une stabilisation des luttes en cours. En effet, le patronat français et surtout celui des monopoles dans « les secteurs en tension » ont déjà recours à des pratiques de surexploitation et de répression, comme retirer les papiers, engager des sans-papiers pour contrer les risques de grève et exercer du chantage sur les autres salariés, etc...

Cette loi est l’occasion, pour nous, de mieux situer le niveau d’exploitation des masses populaires immigrées. La teneur du débat dans les chambres de la République est l’occasion pour nous de vérifier et de quantifier les positions des différentes formations politiques du capital, à gauche comme à droite de l’arc « républicain-capitaliste ».

À « gauche », si l’on observe les positions du PS, par exemple, sorti de la NUPES, on voit la collusion fondamentale qui se joue avec la position gouvernementale, derrière un affichage d’opposition : en effet, Boris Vallaud, président du groupe PS à l’Assemblée nationale, nous expliquait qu’il faut une régularisation complète sur base du travail, ce qui revient à sauvegarder la logique exploiteuse du gouvernement mais à l’élargir un petit plus, c’est tout.

Cette gauche s’essaye à arrondir les angles et rien de plus. Ce Parti Socialiste n’accorde les papiers qu’aux personnes « utiles » au capital, et ce faisant, se range sans surprise du côté de la violence du capital qui caractérise un être humain par sa seule force de travail, comme une marchandise à faire circuler pour en extraire le maximum de profits.
Rien d’étonnant de la part du parti qui tient la mairie de Paris, en charge d’accorder les travaux à la fois des JO 2024 et du Grand Paris, des chantiers où nous comptons presque un mort par jour suite aux conditions de sécurité non assurées pour un taux de travailleurs sans-papiers plus élevé que la moyenne.

Nous n’avons rien à attendre et rien à gagner avec cette social-démocratie qui marche finalement dans les pas des forces ultra-réactionnaires du gouvernement et des LR.

Nous avons tout à gagner en luttant aux côtés de nos sœurs et frères de classe pour gagner les papiers de toutes et tous sans conditions. Nous avons tout à gagner en luttant à leurs côtés comme lors du mouvement de grève d’octobre 2023 sur les chantiers des JO 2024 et du Grand Paris, tout à gagner en se joignant à toutes les formes de lutte de classe contre le capital.

Français-immigrés : une seule classe ouvrière !


Voir en ligne : https://www.pcrf-ic.fr/Loi-Immigrat...

   

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