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Sans neige, pas de ski, l’avenir des stations en question. Des milliers d’emplois en dépendent.

mardi 5 mars 2024 par novethic

Quand le modèle capitaliste s’effondre lorsqu’il nie l’évolution climatique ! Même s’il vient de tomber de fortes chutes de neige, qui seront fondues aussi vite qu’elles sont apparues, le dilemme des stations de ski à l’heure du dérèglement climatique : continuer coûte que coûte ou s’adapter ? Déjà réserver à la bourgeoisie friquée, la pratique du ski sera bientôt uniquement réservée aux super-riches. Ici comme ailleurs...Pourtant, que la montagne est belle.(JP-ANC)
Le ski est mort, vive la montagne. D’ici les trente prochaines années, le changement climatique va irrémédiablement bouleverser l’équilibre des stations de ski. Seules “quelques stations” pourront espérer survivre, a affirmé la Cour des Comptes dans un rapport publié le 6 février. Quid des autres plus petites ou plus basses en altitude ? Entre fuite en avant et plans de transition, l’avenir de nos stations ne s’annonce pas tout blanc.

L’hiver est porté disparu. Des camions aux remorques pleines de neige ont été aperçus en pleine nuit dans les rues du Grand-Bornand (Haute-Savoie), le 21 février dernier. Ils ne sont malheureusement pas passés inaperçus. Filmées, les images ont rapidement fait le tour des réseaux sociaux. Et ce n’est pas la première fois que la station alpine est épinglée pour avoir acheminé de la neige, faute d’enneigement suffisant. En 2022, alors qu’elle est hôte de la Coupe du monde de biathlon, les Bornandins assistent à un va-et-vient d’une douzaine de véhicules pour convoyer près de 24 000 mètres cubes de neige de culture, autrement dit artificielle.

@mongrandbo benlors… rebelote ?

Vivement les #JO2030 au Gd Bo avec de la neige artificielle transportée par camion, fabriquée en siphonnant les sources et les torrents… #toutvabien pic.twitter.com/wb5pHyA07l

— valerie paumier. RESILIENCE MONTAGNE (@Valerie_Paumier) February 22, 2024

À l’époque, l’information fait la une des médias et scandalise.
“Quelle image donnons-nous de la pratique d’activités sportives dans nos montagnes ? Quelle considération portons-nous aux drames écologiques et sociétaux auxquels nous allons tous être confrontés ?”, s’était émue l’association Mountain Wilderness dans un communiqué.
Mais le Grand-Bornand n’est pas un cas isolé, d’autres stations s’adonnent aussi à ce genre de pratique pour pallier le manque de neige, et éviter la fermeture prématurée de leurs pistes.

Car l’or blanc rapporte très gros. Chaque année, 10 milliards d’euros sont dépensés en station l’hiver, selon les Domaines skiables de France, la chambre professionnelle qui regroupe plus de 250 domaines skiables. Quant aux forfaits de ski, ils ont généré 1,6 milliard d’euros lors de la saison 2022-2023, dont 90% dans les 95 plus grandes stations.
Derrière, pas moins de 18 000 emplois directs, et près de 120 000 autres sont induits par le marché du ski. Et avec 53,9 millions de journées-skieurs (l’étalon officiel mesurant l’attractivité des domaines), la France est aujourd’hui confortablement installée en deuxième position des destinations les plus prisées par les fans de glisse, juste derrière les Etats-Unis et devant nos voisins autrichiens.

Un modèle au bord de l’avalanche

Le changement climatique risque bien d’avoir la peau du ski alpin, cette activité touristique qui a fait la fortune des villes et villages de montagne depuis les années 1960. “D’ici 20 ou 30 ans, il n’y aura plus de neige naturelle dans les stations de basse et moyenne altitude”, explique auprès de Novethic Vincent Vlès, professeur émérite des universités en aménagement et urbanisme.

Pas besoin d’attendre si longtemps pour voir les effets du réchauffement climatique. Selon une étude de Climsnow, publiée dans The Cryosphere, l’ensemble des Alpes a perdu, en basse et moyenne altitude, près d’un mois d’enneigement (entre 22 et 34 jours) entre 1971 et 2019. “Quoi qu’on fasse, on assistera à une réduction de l’enneigement à basse et moyenne altitude qui sera comprise entre 10 et 40% d’ici 2050 dans les Alpes”, prévient Samuel Morin, directeur du Centre National de Recherches Météorologiques (Météo France – CNRS).

Il n’y a pas que du côté de la météo que les voyants sont au rouge. En pleine vacances d’hiver, la Cour des Comptes estime également que la viabilité économique de très nombreuses stations est aujourd’hui menacée par le changement climatique. Dans son nouveau rapport de 147 pages, réalisé à la suite d’un audit de 42 stations sur les 350 qui parsèment nos massifs, le constat est brutal : le modèle économique du ski français “s’essouffle”, “le changement climatique a d’ores et déjà un impact significatif sur les finances publiques locales, qui ira croissant” et “les politiques d’adaptation restent en deçà des enjeux”. “Nul doute que ce rapport fera date, explique Vincent Vlès. Il s’agit d’un état des lieux extrêmement fouillé et lucide, mais qui n’est pas tant surprenant puisque cela fait plus de 10 ans, que nous chercheurs, le répétons”.

L’institution chargée de la régularité des comptes publics n’est effectivement pas très tendre avec les gestionnaires des stations de ski. Et pour cause. En 2018, elle pointait déjà “le besoin d’un nouveau modèle de développement” pour ces sites fragilisés par le réchauffement. Six ans plus tard, rien ou très peu de choses ont été entreprises pour inverser la tendance. Or certaines d’entre elles bénéficient d’importantes aides publiques, indiquent les rapporteurs. En effet, 23% du chiffre d’affaires des opérateurs de remontées mécaniques de petites et moyennes stations sont issus de subventions, soit 123,6 millions d’euros.

Aller jusqu’au bout du “cul-de-sac”

Et du côté des solutions, les comptes ne sont pas bons non plus. Les rapporteurs étrillent les politiques d’adaptation “reposant essentiellement sur la production de neige”. “Le recours à la production de neige est devenu le principal, sinon le seul dispositif d’adaptation permettant de prolonger le modèle économique des stations mis à mal par la hausse des températures (…) et dans certains cas, la production de neige peut tendre vers une mal-adaptation“, estiment-ils, en prenant notamment l’exemple de Super-Besse (Puy-de-Dôme), station de moyenne altitude, qui prévoit des installations d’enneigeurs fonctionnant malgré des températures positives.

Mais elle n’est pas la seule. La station de Font-Romeu, dans les Pyrénées-Orientales, mise quasiment intégralement sur la neige artificielle, avec 510 canons à neige, pour préserver sa poule aux œufs d’or. Une situation ubuesque alors que la ressource en eau est devenue une denrée rare dans la région, comme le signalent les associations environnementales. En France, la production de neige artificielle représente le second poste d’investissement des opérateurs de domaines skiables, après celui des remontées mécaniques.
Au total, 35% de la surface totale des pistes sont aujourd’hui équipées de canons à neige.

Enfin, les sages de la rue Cambon se montrent aussi assez sévères sur le développement d’activités de diversification hors ski, qu’ils jugent “rarement adossées à un véritable projet”. Ces activités “tendent souvent à reproduire le modèle du ski, fondé sur des investissements importants et une forte fréquentation, sans plan d’affaires permettant d’établir leur pertinence économique”, tancent-ils.
Et ils ne sont pas les seuls à regretter le manque d’ambition des plans de transition que mettent en place certaines stations. Pour Fiona Mille, à la tête de l’ONG de défense de la montagne Mountain Wilderness, “ces propositions sont d’une extrême pauvreté, transformant nos montagnes en parcs d’attractions”. “Ce ne sont pas ces quelques aménagements qui permettent de faire vivre une économie touristique à l’année”, déplore-t-elle auprès de Novethic. Pour le chercheur Vincent Vlès, “tant que le modèle est rentable, il n’y a aucune raison de le remettre en question”. “Il n’y a pas de déni climatique, il y a, à la place, un déni sur l’effort à faire pour changer, les stations préfèrent aller jusqu’au bout du cul-de-sac “, précise-t-il.

Une montée du ski-bashing ?

Ce rapport de la Cour des comptes a été vécu comme un affront par le monde du ski. “On peut inventer tout ce que l’on veut, des tyroliennes, des pistes de luges, du VTT sur neige, du chien de traîneau, c’est le ski qui fait venir les gens à la montagne, ce n’est pas autre chose”, insiste auprès de Novethic Jean-Luc Boch, président de l’Association Nationale des Maires de Stations de Montagne (ANMSM). “Il faut être plus mesuré, laisser du temps aux stations pour qu’elles puissent s’adapter et cela ne se fera pas sans l’argent du ski”, ajoute-t-il.

D’ailleurs pour le maire de La Plagne Tarentaise, ces critiques sont injustes. “Nous prouvons tous les jours que la montagne est un territoire en avance sur tous les autres”, assure-t-il. Remontées mécaniques électriques, dameuses tournant au bio carburant.. “Si Paris avait la même empreinte carbone que la montagne, ce ne serait que du bonheur, mais ce n’est pas le cas, on préfère faire du ski-bashing et mettre en péril l’emploi de milliers de personnes”, regrette cet édile.

Pour le chercheur Vincent Vlès, cet argument est fallacieux. “Dire ‘Vous devez nous aider, autrement on va supprimer des emplois’, c’est simplement du chantage qui ne peut pas durer car contrairement aux années des Trente Glorieuses qui ont vu ces stations créées et financées massivement, il n’y a plus d’argent public pour ces activités, les urgences sont ailleurs, fait-il remarquer. Les collectivités se doivent d’aider en priorité les stations qui auront réellement la volonté de changer de modèle”.
À l’image de Métabief, dans le Jura, l’une des rares stations à avoir trouvé grâce aux yeux de la Cour des Comptes. Et pour cause : le syndicat à la tête de la station s’est engagé dès 2019 “dans une démarche de transition à l’horizon 2040-2050 visant à passer d’une “station de ski” à une “station de montagne”.

“Quand on a renoncé à installer de nouvelles remontées mécaniques, ça a été très dur, ça a vraiment été un deuil pour certains”, raconte Philippe Alpy, maire de Frasne et président du Syndicat mixte du Mont-d’Or (SMMO), qui gère la station de moyenne montagne de Métabief. “Il a été très difficile de convaincre les élus alentour que je faisais le bon choix. Le ski alpin, c’est une usine à cash, c’est irremplaçable. Allez dire à des gens qui sont habitués à travailler quatre mois dans l’année que maintenant ils vont devoir travailler toute l’année pour gagner moins”, explique l’élu. Tout en maintenant l’activité ski, du moins tant que cela reste possible, la station tente de faire émerger une nouvelle économie tournée autour du “quatre saisons”.

Vivre en montagne 365 jours par an, et si c’était la solution

C’est certain, réduire la dépendance au ski des stations, et plus généralement au tourisme, n’est pas une mince affaire. Les pouvoirs publics ont un rôle important à jouer pour y parvenir, comme le fait remarquer Vincent Vlès. “La prise de conscience de la grande majorité de la population est lente, trop lente, seul l’aiguillon des politiques publiques peuvent pousser à accélérer le mouvement”, explique-t-il à Novethic.

Sauf qu’elles ne sont pas au rendez-vous, surtout du côté des régions. “Il faut remettre le ski à sa juste place. Il fait partie de notre identité mais ce n’est pas la seule chose que l’on peut faire en montagne, précise Fiona Mille de Mountain Wilderness. On ne peut pas se contenter d’investir dans des canons à neige, alors qu’il faudrait soutenir d’autres activités, comme l’agriculture ou l’artisanat, où l’argent manque cruellement”.
À terme, l’enjeu de cette transition serait de permettre à ces stations de garder une activité économique à l’année pour permettre l’installation de nouvelles familles sur le territoire, et non plus de saisonniers.

Pas si simple.
“Depuis dix ans, ces territoires se dépeuplent et les classes ferment, et ce aussi bien dans les grandes ou les petites stations, car il est devenu trop cher d’y vivre ou trop compliqué de se loger”, fait remarquer Guillaume Desmurs, cofondateur du LaMA Project, laboratoire pour une montagne d’avenir, alors que 50% du parc immobilier sont occupés moins de quatre semaines par an.

Et si l’avenir de nos stations de montagne, c’était non plus seulement quelques semaines par an ou des Jeux olympiques tous les 30 ans mais une vie à l’année ?
Guillaume Desmurs confirme : “il est temps d’arrêter d’investir sur l’attractivité et le tourisme pour travailler enfin à l’habitabilité des montagnes”.

Photo : Des skieurs montent sur un téléski sur une pente sans neige et avec de l’herbe dans la station de ski de Cordon près de Megève, avec le Mont Blanc en arrière-plan en France le 12 février 2024. OLIVIER CHASSIGNOLE/AFP


Voir en ligne : https://www.novethic.fr/environneme...

   

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