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Syrie : un basculement réactionnaire nécessitant de garder son sang froid
lundi 9 décembre 2024 par Bruno Drweski (URC)
Les événements des derniers jours en Syrie confirment que le front syrien, libanais et palestinien sont un seul et même front dans la lutte mondiale entre camp impérialiste, Etats contre-hégémoniques et pays ou mouvements anti-impérialistes. La victoire de l’un est la victoire de l’autre et la défaite de l’un est la défaite de l’autre, même quand certains Etats se concentrent uniquement sur leurs intérêts régionaux à court terme. Dans une situation où, depuis les années 1980, ce ne sont aujourd’hui que rarement les forces révolutionnaires qui dirigent les luttes anti-impérialistes mais plus souvent les bourgeoisies nationales des pays de la périphérie capitaliste, par principe opportunistes et tiraillées entre lutte, négociation et capitulation.
La Syrie soutenue par l’Iran, la Russie et la Chine était exsangue après plus d’une décennie de guerre et de blocus, d’où sa relative passivité face aux agressions sionistes en Palestine et au Liban.
Cette situation était explicable par la guerre et le blocus implacable imposé à ce pays par le camp impérialiste, mais elle est aussi le résultat du fait que le pouvoir à Damas était aux mains de forces relativement progressistes sur le plan social et national mais plus proches des intérêts de la bourgeoisie locale que de ses classes travailleuses.
Chose que l’on a pu constater aussi chez son principal allié, la Russie, dont le gouvernement, en principe en guerre avec l’OTAN et son proxy ukrainien, hésite à organiser la mobilisation populaire anti-impérialiste du peuple par crainte d’un affaiblissement du pouvoir des capitalistes locaux dans le pays, ce que constatent les militants communistes russes et aussi les dirigeants du Parti communiste de la Fédération de Russie.
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant de constater que les dernières propositions de soutien militaire complet faites avant hier à la Syrie ne soient pas venues de Moscou mais de Téhéran, avec la visite de Larijani la veille de la "passation de pouvoir" à Damas (Lire l’article ci-dessous).
Propositions qui se sont heurtées au refus du président Assad et de son entourage. L’Iran en effet, et même s’il n’a pas fait le choix formel du socialisme scientifique, n’en reste pas moins le fruit d’une révolution populaire qui s’appuie encore aujourd’hui sur les bassidj, les gardiens de la révolution, vaste mouvement de masse armé de plus de 11 millions de membres, gérant un réseau de coopératives populaires de production, chose impensable aujourd’hui en Russie.
Quoiqu’il en soit, le "gouvernement de transition" traitant toujours les affaires aujourd’hui à Damas reste aux mains de la nomenklatura du parti baathiste et coordonne ses activités avec les chefs des groupes terroristes se référant à un islam réactionnaire associé aux gouvernements des pays musulmans les plus réactionnaires et coopérant avec les ennemis impérialistes de la nation arabe, sionistes et occidentaux.
Ces djihadistes takfiristes sont en conflit frontal avec les forces progressistes arabes, les forces révolutionnaires arabes et les pays ou mouvements patriotiques islamiques du Yemen, d’Irak et d’autres pays.
Les partisans du socialisme scientifique se retrouvent aujourd’hui devant une nouvelle défaite qu’on ne doit ni ignorer ni diminuer ni considérer avec pessimisme.
Les peuples ont avant tout besoin de lucidité et ils ne s’engagent dans un combat révolutionnaire que s’ils ont affaire à une avant-garde en état de décrire la vérité telle qu’elle est tout en dessinant un avenir atteignable à moyen ou long terme.
C’est ce qu’ont fait les bolcheviks après le reflux de la vague révolutionnaire de 1905, c’est ce qu’on fait les communistes chinois qui se sont réfugiés dans les campagnes pour mener la guerre populaire après le coup d’état fascisant du Kuomintang, c’est ce qu’a tenté de faire Kadhafi en 2011 quand il a refusé les offres d’exil doré et a voulu rester dans son pays pour reconstruire un mouvement de résistance anti-impérialiste et c’est ce que font aujourd’hui les patriotes yéménites engagés dans la lutte armée pour l’émancipation de leur pays et le combat intrépide contre le sionisme et l’impérialisme.
C’est aussi ce que font d’autres peuples dans le monde, en particulier ceux qui sont engagés dans un processus de construction d’une alternative socialiste en Amérique latine et dans un processus d’émancipation nationale dans le Sahel et ailleurs en Afrique. C’est aussi ce que vient de réussir à accomplir le peuple coréen en empêchant par sa mobilisation le retour de la dictature pro-impérialiste.
Partout, ces situations témoignent du fait que les révolutionnaires ne sont pas à l’abri d’erreurs mais qu’ils sont capables de les analyser lucidement pour les dépasser si c’est vraiment la révolution qui leur tient à cœur.
Partout dans le monde, nous pouvons voir que derrière le rideau de fumée de la propagande et des manipulations impérialistes, c’est la lutte pour l’émancipation nationale et la révolution qui fait rage car l’impérialisme est arrivé à un degré d’essoufflement tel qu’il ne peut que s’engager dans toujours plus de guerres et d’agressions.
Les révolutionnaires doivent être conscient de cette situation globale qui leur est de fait favorable, en se mettant de l’avant là où les rapports de force le permettent et en constituant la base arrière la plus solide des mouvements anti-impérialistes là où la situation n’est pas encore mure pour la révolution.
Cela commence donc par être capable de faire une analyse de classe des différentes forces et États qui s’opposent de façon plus conséquente ici et moins conséquente là à l’hégémonie à la fois agressive et vacillante des forces de la guerre et de la réaction.
Ce n’est qu’en utilisant ces outils que les révolutionnaires seront capables de devenir l’avant-garde consciente des masses qui attendent partout sur la planète un changement radical vers une société assurant la propriété sociale des moyens de production et d’échange dans la fraternité des peuples et de leurs cultures.