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Meurtre de Nahel : chape de plomb policière sur la banlieue parisienne
mercredi 28 juin 2023 par Guillaume Bernard
Nahel, 17 ans et habitant de Nanterre, est mort ce mardi 27 juin à la suite d’un tir policier. Alors que les tensions montent dans les quartiers populaires, Gérald Darmanin a augmenté le nombre de policiers et gendarmes en banlieue parisienne. Une marche blanche aura lieu à Nanterre jeudi 29 juin et des rassemblements s’organisent déjà un peu partout en France.
Pas moins de « 2000 policiers et gendarmes seront déployés ce soir en banlieue parisienne », a annoncé Gérard Darmanin. La nuit dernière, ils étaient 1200 à surveiller les quartiers populaires de banlieue parisienne, dans la crainte d’un embrasement et 31 interpellations ont eu lieu.
Après la mort du jeune Nahel (17 ans), victime d’un tir policier, ce mardi 27 juin au matin à Nanterre, le gouvernement impose sa chape de plomb à la banlieue parisienne.
En cause : la peur des confrontations entre des habitants des quartiers populaires et les forces de l’ordre. Dans l’urgence, le gouvernement revoit son planning. À la demande d’Emmanuel Macron, le ministre de l’Intérieur a annulé son déplacement hors de Paris prévu aujourd’hui et a convoqué une réunion d’urgence à 14 heures.
Pas suffisant pour faire cesser la colère.
Mounia, la mère du jeune Nahel a appelé à une marche blanche à 14h jeudi 29 juin devant la préfecture de Nanterre.
« C’est une révolte s’il vous plaît, pour mon fils », a-t-elle déclaré dans une vidéo diffusée sur Tik tok. Divers rassemblements sont organisés à partir d’initiatives locales, comme dans le quartier de la Reynerie à Toulouse, ce soir, ou encore à Lyon, place de l’Hôtel de ville ce vendredi 29 juin.
Le collectif Les Soulèvements de Terre, visé par une procédure de dissolution émanant du ministère de l’intérieur, a également apporté son soutien à la famille de la victime, rappelant que « les exécutions sont régulières et leur fréquence s’est accélérée depuis 2017 avec l’article L435 qui a élargi le cadre juridique de la légitime défense ».
Pour la seule année 2022, 13 personnes ont été tuées pour un refus d’obtempérer.
Des affrontements partout en France
Dans la nuit de mardi à mercredi (et y compris dès l’après-midi), des affrontements ont débuté à Nanterre, où des barricades enflammées ont été érigées et des policiers pris à partie avec des feux d’artifice. Des affrontements se sont également déroulés dans d’autres villes de banlieue parisienne environnantes.
D’abord dans les Hauts-de-Seine, comme à Asnières, Colombes ou Suresnes, mais également à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. A Mantes-la-Jolie (Yvelines), ville de l’ouest de l’Ile-de-France, une annexe de la mairie située dans le quartier du Val-Fourré a été incendiée dans la nuit de mardi à mercredi.
Les affrontements se sont aussi propagés en dehors d’Île-de-France : dans le quartier des Aubiers et de Lormont, à Bordeaux, mais aussi à Floirac (ville de la banlieue bordelaise), des feux de poubelles ont été allumés, du mobilier urbain a été dégradé et les policiers visées par des jets de projectiles, selon la préfecture de Gironde.
A Roubaix, et à Hem, en banlieue Lilloise, des confrontations ont eu lieu et des voitures ont été brûlées. Des événements du même type se sont aussi déroulés dans des villes plus petites, comme Colmar.
Nahel et tant d’autres
Nahel est mort par balle pour un refus d’obtempérer alors qu’il était au volant d’une voiture. Les deux policiers ayant procédé à l’intervention ont d’abord prétexté avoir tiré en état de légitime défense.
Mais rapidement, une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux a contredit la version policière. Sur cette dernière, les policiers sont situés sur le côté du véhicule et ne sont aucunement menacés par le véhicule lorsque celui-ci démarre.
Le conducteur, Nahel, est en revanche déjà en joue lorsqu’il décide d’avancer.
Le policier qui est présumé être à l’origine du tir a été placé en garde-à-vue. Cette dernière a été prolongée au bout de 24h. Les avocats de la famille de Nahel ont déclaré dans un communiqué qu’ils porteraient plainte contre le policier auteur du tir pour « homicide volontaire » et contre son collègue pour « complicité d’homicide volontaire ». « Une seconde plainte pour « faux en écriture publique sera déposée à l’encontre des policiers ».
Si, cette fois, la vidéo accable les policiers, la mort de Nahel rappelle de nombreux autres cas de personnes tuées par la police, parfois dans un silence absolu.
Entre 1977 et 2020, le média indépendant Basta a comptabilisé 746 morts suite à l’action des forces de l’ordre (dont 26 ont été tués lors d’opérations anti-terroristes et 78 par un agent hors de son service).
Quatre cent quarante quatre ont été tués par arme à feu (60%).
La moitié des morts recensés avaient moins de 26 ans.
Communiqué des “ami-es des Soulèvements de la Terre”
Mardi matin, un policier a assassiné froidement à bout portant Nahel, un jeune livreur de 17 ans à Nanterre juste après avoir crié « Je vais te tirer une balle dans la tête ». Une vidéo amateur filmée par smartphone a tourné en boucle, battant en brèche la version policière qui a cherché à se couvrir en arguant de la « légitime défense » comme pour chaque crime policier depuis des décennies.
Après avoir mis en joue 150 jeunes à Mantes-la-Jolie en 2018, tabassé Michel Zecler sous des injures racistes en 2020, appelé par une tribune d’anciens généraux à un coup d’État en 2021, un nouveau palier est franchi.
Rien n’a changé depuis les marches du MIB (Mouvement de l’Immigration et des Banlieues) dans les années 90, les révoltes après l’assassinat de Zyed et Bouna en 2005, l’assassinat de Lamine Dieng en 2007 ou encore d’Adama Traoré en 2016. La situation s’est même aggravée.
Les exécutions sont régulières et leur fréquence s’est accélérée depuis 2017 avec l’article L435 qui a élargi le cadre juridique de la légitime défense, s’apparentant à un “permis de tuer” sans rendre de comptes. Le nombre de personnes tuées par la police ne cesse de grimper. On dénombre au moins 30 décès en 2019, 46 en 2020 et 53 en 2021. Rien qu’en 2022, 13 personnes ont été tuées pour un refus d’obtempérer.
Le corps policier, largement acquis à l’extrême-droite, s’assume de plus en plus comme une sorte de milice factieuse. Elle se sait indispensable aux gouvernements capitalistes pour réprimer toutes les forces qui cherchent à s’opposer à leurs politiques de destruction sociales et écologiques, tous les corps qui se soulèvent, les territoires qui construisent des mondes habitables.
Ce nouveau crime policier flagrant n’est pas une « bavure » ou une « dérive ». Il est symptomatique d’un ordre étatique raciste fondé sur la violence contre les personnes racisées et tous les corps jugés non conformes. Cette violence qui mutile, enferme et tue, s’est éprouvée de longue date au sein des colonies et des quartiers populaires. Maintenant, elle s’étend par tache d’huile depuis quelques années sur les milieux militants, le mouvement social, les gilets jaunes, les luttes écologistes.
Concernant les Soulèvements, le 25 mars dernier, à Sainte-Soline, ce sont plus de 5000 grenades tirées en moins de deux heures sur les manifestant-es, faisant plus de 200 blessé-es, de nombreux-ses mutilé-es et ayant mis deux personnes entre la vie et la mort. Le 17 juin, la manifestation contre le Lyon-Turin s’est soldée par une trentaine de blessé-es côté manifestant-es, dont six hospitalisations.
Cette généralisation de la violence policière suscite des prises de conscience dans des milieux sociaux ou géographiques jusqu’alors épargnés par la violence d’État. Il ne tient qu’à nous de transformer cette prise de conscience en gestes de solidarités concrètes, partout où nous sommes dans les luttes écologistes et sociales, y compris dans les géographies plus éloignées des quartiers populaires ! Chaque fois que nous dénonçons la répression contre nos mouvements, n’oublions jamais que cet État policier s’applique avant tout au sein des territoires colonisés et des quartiers populaires. N’oublions jamais qu’il est simplement la « normalité » pour des millions de français le plus souvent non-blanc-he-s et/ou qui n’ont pas les bons papiers.
Hier soir, à Nanterre, en Île-de-France et dans quelques autres villes, des gestes de révoltes salutaires ont éclaté – à nouveau largement réprimés. Ce soir, Darmanin annonce la mise à disposition de 2000 policiers partout sur le territoire, tandis que le gouvernement cherche par tous les moyens à « appeler au calme » et en faire une affaire isolée.
La colère gronde partout. La mère de Nahel invite à une « marche blanche de la révolte » dès jeudi après-midi, et de multiples rassemblements et gestes de solidarité s’annoncent dans la soirée et les jours à venir.
Face à cet État policier en roue libre qui emmène notre pays vers un régime autoritaire, la généralisation des soulèvements est plus que jamais vitale. Et la dissolution de la police est une mesure de bon sens.
Pour Nahel, ni oubli, ni pardon ! Pas de justice, pas de paix !
Voir en ligne : https://rapportsdeforce.fr/pouvoir-...