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Corse : 2024
mercredi 20 septembre 2023 par Benieli/Arzalier ANC
« L’ANC n’a pas vocation à exiger de ses adhérents un alignement absolu sur l’analyse de chaque problème. C’est dans cette optique, respectueuse des principes marxistes fondamentaux, que nous publions les deux analyses ci-dessous, à propos de l’actualité corse, en les considérant comme le début d’un échange entre adhérents et lecteurs du site sur ce sujet. »
Un texte d’Alain Benielli auquel répond celui de Francis Arzalier tous les deux adhérents de l’ANC.
Statut d’autonomie en Corse, les principes,la réalité, les objectifs
L’aspiration à une reconnaissance de la spécificité Corse,culturelle et géographique, a toujours été un marqueur fort de l’histoire insulaire. En 1943, le Front de libération de la résistance ,s’adressait au "Peuple Corse" pour l’appeler à l’insurrection.
La grande bourgeoisie et le grand patronat de Corse,ont tout d’abord combattu cette aspiration, choisissant, pour leurs intérêts, de rester dans le giron du pouvoir central.
Puis ils ont compris que l’idéologie qui animait le mouvement ’nationaliste", non seulement ne remettait pas en cause la spirale de la recherche du profit, mais pouvait en être un accélérateur, ils s’y sont ralliés.
La défense de principes intangibles : reconnaissance des peuples, de leurs droits à s’autogérer, ne peut souffrir d’aucune condition et si la Collectivité de Corse est acquise à l’idéologie du capital, ces principes demeurent et doivent être portés.
La grande bourgeoisie, le grand patronat de Corse sont aujourd’hui aux affaires, avec une porosité de plus en plus patente avec la mouvance mafieuse, et en l’absence de tout outil révolutionnaire.
C’est bien la construction de cet outil qui est impératif, c’est l’émergence d’une structure communiste, marxiste, qui est la condition pour ouvrir en Corse, (comme ailleurs) les pistes de réflexions ouvrant la voie à l’émancipation.
Alors oui, l’inscription de la Corse dans la constitution, le statut d’autonomie, même s’ il est vidé de moyens, doivent être pris en compte.
La résistance à la prédation du grand patronat de Corse, la réflexion sur une société Corse autogestionnaire, sera l’affaire du monde du travail.
Alain Benielli, ANC
Corse 2024
Ce mois de septembre 2023 sera le quatre-vingtième anniversaire de la Libération de la Corse de la domination des Fascistes italiens et des troupes Nazies. Cette Libération, la première d’un territoire français, fut le résultat conjoint de la venue en Corse de soldats au service de la France Libre envoyés par Giraud depuis l’Algérie libérée des Nazis par les Anglo-Saxons, et de l’insurrection populaire organisée dans l’île par la Résistance, dont les militants les plus actifs étaient les Communistes, notamment Jean Nicoli (assassiné par les Fascistes en 43),
Léo Micheli, Benielli, François Vittori, etc.
Il est évidemment nécessaire que la mémoire de ces héros, aujourd’hui décédés, soit commémorée et ne s’efface pas. L’annonce par le ministre Darmanin et son patron Macron du voyage présidentiel en Corse prévu en septembre à cette occasion vient souligner l’importance nationale de cet anniversaire, nous ne nous en plaindrons pas.
Encore faudrait-il que ce déplacement ne s’accompagnât pas de manipulations politiciennes et de réécriture de l’histoire, notamment en oblitérant le rôle premier des Communistes Corses, qui ont décidé l’insurrection antifasciste de l’île en 1943 avant même l’aval de De Gaulle.
Le contexte actuel à propos de la Corse a été renouvelé par la majorité autonomiste-nationaliste qui dirige l’Assemblée territoriale par un vote en juillet 2023, exigeant de l’État Français un nouveau statut inscrit dans la Constitution. Et l’État macronien lui a répondu positivement par la bouche du ministre Darmanin, s’engageant à le faire avant la fin 2024.
On ne doit pas sous-estimer le fait politique qui réunit le parti de Macron qui dirige l’État national et la majorité élue « nationalistes-autonomistes » qui contrôle l’Assemblée de Corse.
Au-delà des périodiques divergences verbales de compétence qui, de temps à autre, opposent bruyamment le Bastiais Siméoni aux représentants de l’État national, ils partagent les mêmes convictions libérales, et approuvent tous deux l’Union Européenne qui les incarne.
Ce qui peut laisser redouter bien des manipulations politiciennes sur cette base.
Du côté de l’exécutif corse, très peu nombreux sont ceux qui rêvent encore d’indépendance de l’île, qu’ils savent bien refusée par la majorité des Corses. Mais une partie de la bourgeoisie insulaire aspire à obtenir davantage de prérogatives financières et verrait bien la Corse devenir un « paradis fiscal » accueillant les grands investisseurs capitalistes occidentaux à l’image de Malte.
Ce pourrait être le cas dans le cadre d’une Région en partie déconnectée de la législation nationale, dans le cadre fédéral Européen, une « solution » que bien des capitalistes de France seraient prêt à accepter, leur attachement à l’unicité de la Nation française et de ses lois est minime, au gré de leurs intérêts, comme le démontre leur inféodation aux maîtres États-uniens.
Car la majorité des Corses, et d’abord les salariés et retraités, ne manquent pas de problèmes sociaux, dans une société marquée par de grandes inégalités entre les privilégiés oisifs et rentiers des beaux quartiers urbains et les très modestes des périphéries ou des villages de l’intérieur.
Le problème majeur est l’absence de développement économique en dehors du flot touristique qui stagne (350 000 habitants pour plus de 2 millions de visiteurs annuels, concentrés durant l’été).
La spéculation foncière et immobilière qui en résulte, couvre le littoral de résidences secondaires parfois luxueuses, alors que les jeunes salariés ont du mal à trouver une location adaptée à leur budget. À cela s’ajoute, comme sur le continent la dégradation des services publics notamment de santé. Tous ces maux bien proches de ceux d’autres régions de France ne seraient en rien solutionnés par une modification du statut de l’île, déjà spécifique, ce qui a permis de valoriser comme le demandait la population la langue et la culture corse, par l’école et la télévision.
Les maux de la société corse (inégalités sociales, émigration forcée) résultent essentiellement du système économique capitaliste et des politiques qui en découlent.
Seul un ensemble de mesures nationales anti-libérales, anti-spéculatives, et d’aide grâce à la solidarité nationale au développement productif industriel, agricole, et de l’emploi, pourraient changer la donne. Il serait illusoire de les attendre du pouvoir macronien, de l’Union Européenne ou de leurs alliés insulaires.
Nous y veillerons dans les mois qui viennent, sachant que les premiers intéressés sont les salariés et retraités insulaires, qui peuvent infléchir le cours des choses par leurs luttes, avec les autres travailleurs de France et leurs compagnons des immigrations successives.
Francis Arzalier, ANC