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Dernière réunion de l’AES, la CEDEAO affaiblie, fin de l’ère Étatsunienne au Niger...
mercredi 18 septembre 2024 par Yves Laroche
1. AES : une coopération diplomatique pour répondre aux aspirations des peuples
La première réunion des ministres des Affaires étrangères de la Confédération des États du Sahel (AES) s’est ouverte ce lundi 16 septembre 2024 à Bamako, sous la présidence de Abdoulaye Diop, ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale.
Cet événement marque une étape décisive dans la mise en oeuvre du volet « diplomatie » de la Confédération, un des trois piliers clés de l’AES, et vise à définir les actions et mesures nécessaires pour renforcer la coopération entre les trois pays membres.
Cette rencontre, coïncidant symboliquement avec le premier anniversaire de la signature de la Charte du Liptako-Gourma, a enregistré la participation effective de Karamoko Jean Marie Traoré, ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso, et Bakary Yaou Sangaré, ministre des Affaires étrangères du Niger.
Au cours de cette journée, les ministres ont examiné des projets de textes majeurs, notamment l’avant-projet du règlement intérieur des sessions confédérales et le projet de protocole additionnel au Traité de création de la Confédération des États du Sahel. Ces discussions devraient permettre d’actualiser la feuille de route de l’AES et de coordonner davantage leurs actions diplomatiques.
Lors de son discours, le ministre nigérien des Affaires étrangères a exprimé sa profonde gratitude pour l’accueil chaleureux des autorités maliennes et a souligné l’importance historique de cette réunion. Le ministre nigérien a rappelé que la Confédération AES, créée le 6 juillet 2024 à Niamey, répond aux aspirations profondes des peuples du Sahel depuis l’époque des indépendances africaines. Sous le leadership de leurs chefs d’État – le Capitaine Ibrahim Traoré du Burkina Faso, le Colonel Assimi Goïta du Mali, et le Général Abdourahamane Tiani du Niger – la Confédération s’appuie sur trois piliers stratégiques : défense/sécurité, diplomatie et développement.
Selon le ministre Sangaré, les avancées significatives réalisées dans le domaine de la défense/sécurité, notamment avec la création d’une Force unifiée et les succès militaires obtenus sur le terrain, témoignent de la volonté commune d’assurer la stabilité régionale. Quant au volet développement, des efforts sont en cours pour mutualiser les ressources économiques et promouvoir l’industrialisation et les infrastructures, des projets structurants étant envisagés pour le financement du développement.
Concernant la diplomatie, sujet central de cette réunion, il est primordial, selon le ministre Sangaré, de coordonner les actions des États membres à la fois sur les plans bilatéral et multilatéral, afin de protéger et promouvoir les intérêts de la Confédération sur l’échiquier international. Il a félicité les experts pour le travail accompli lors des réunions préparatoires et a souligné l’importance de cette réunion dans l’examen des feuilles de route visant à doter la Confédération d’une diplomatie cohérente et efficace.
Cette réunion intervient après des consultations approfondies parmi les hauts fonctionnaires des trois pays, qui ont oeuvré à préparer les projets de textes relatifs aux instances de la Confédération. Le ministre nigérien a rappelé que la coordination diplomatique renforcée est essentielle dans un contexte géopolitique marqué par l’instabilité régionale et les interventions étrangères, et a fermement condamné le soutien étatique à des coalitions terroristes.
Les ministres des Affaires étrangères ont également mis l’accent sur l’importance de réaffirmer l’indépendance et la souveraineté des États du Sahel. Cette prise de position reflète la volonté de l’AES de ne pas se laisser influencer par des puissances étrangères, tout en recherchant de nouveaux partenariats stratégiques pour le développement de la région.
Le ministre Sangaré a conclu son discours en exprimant son optimisme quant aux résultats de cette réunion ministérielle, assurant que les travaux en cours permettront de renforcer l’intégration et la coopération entre les trois nations, pour une Afrique sahélienne plus unie et prospère.
2. La CEDEAO affaiblie et la montée en puissance de l’AES face aux enjeux régionaux
Abdoul Sacko, coordinateur du Forum des forces sociales de Guinée (FFSG), a récemment souligné la perte d’influence de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), affaiblie par le départ du Mali, du Burkina Faso, et du Niger. Ces trois pays, ayant pris des distances avec l’organisation régionale dans le cadre de récentes révolutions politiques, remettent en question la capacité de la CEDEAO à maintenir son rôle de régulateur dans la sous-région ouest-africaine. Selon Sacko, la CEDEAO ne dispose plus des moyens de mettre en oeuvre ses politiques, perdant ainsi son poids et son autorité sur les affaires régionales.
Face à cette situation, Sacko appelle les Guinéens à prendre en main leur destin, notamment dans leur lutte pour le retour à l’ordre constitutionnel. « Le peuple de Guinée ne doit pas compter sur cette CEDEAO », a-t-il déclaré, exhortant les citoyens à ne pas s’appuyer sur une organisation qu’il considère désormais comme inefficace.
Cependant, ce climat de défiance à l’égard de la CEDEAO s’accompagne d’une montée en puissance de l’Alliance des États du Sahel (AES). Créée en réponse à des besoins partagés de souveraineté et de sécurité, l’AES regroupe des pays comme le Mali, le Burkina Faso, et le Niger, qui cherchent à s’émanciper des influences traditionnelles occidentales, notamment celles de la France et des États-Unis.
L’AES se positionne comme une force dynamique et indépendante, offrant une alternative aux modèles institutionnels hérités des relations post-coloniales. En prônant la coopération entre les nations africaines, centrée sur des valeurs de souveraineté, de sécurité collective et de développement durable, cette alliance représente une nouvelle ère pour les pays de la région. Ce projet de collaboration entre les pays du Sahel renforce la capacité des États membres à faire face aux défis sécuritaires et politiques sans dépendre des interventions extérieures.
La montée de l’AES incarne donc un mouvement vers une plus grande autonomie régionale. Elle offre à ses membres la possibilité de définir leur propre agenda politique et économique, tout en s’appuyant sur la solidarité régionale pour répondre aux crises. Cette transition vers une alliance entre nations africaines renforce également l’idée que l’avenir de la sous-région réside dans la coopération entre États partageant des défis communs, plutôt que dans la dépendance envers des structures extérieures ou régionales affaiblies.
En appelant à l’émancipation des Guinéens face à une CEDEAO en déclin, Abdoul Sacko s’inscrit dans ce mouvement plus large de réaffirmation de la souveraineté nationale, tout en saluant l’exemple d’initiatives comme l’AES, qui représentent un modèle alternatif de collaboration entre États africains.
3. Fin de l’ère étatsunienne au Niger : une preuve de souveraineté pour le continent africain
Le Commandement des États-Unis pour l’Afrique (Africom) a récemment annoncé avoir achevé le retrait de ses troupes du Niger, une étape qui marque l’effondrement de la coopération militaire étatsunienne dans cette région stratégique du Sahel. Ce retrait, imposé par les nouvelles autorités nigériennes suite au coup d’État ayant renversé le président Mohamed Bazoum, est un symbole fort du déclin de l’influence des États-Unis en Afrique.
Ce développement n’est pas seulement le résultat d’une transition politique interne au Niger. Il reflète également l’échec des États-Unis à comprendre et à s’adapter aux dynamiques politiques africaines. Pendant des années, les États-Unis ont tenté de renforcer leur présence en Afrique sous le prétexte de la « sécurité » et de la « lutte contre le terrorisme », mais ces efforts sont de plus en plus perçus comme une forme de néo-colonialisme déguisé.
La fin de la présence américaine au Niger est une illustration claire de l’incapacité de Washington à maintenir un partenariat fiable avec les nations africaines. En dépit de décennies de coopération militaire et d’énormes ressources allouées à l’Africom, les États-Unis n’ont pas réussi à créer un lien de confiance durable avec les gouvernements africains. Au contraire, leur présence militaire est souvent associée à l’imposition de politiques étrangères contraires aux intérêts des populations locales.
Le retrait des troupes américaines du Niger, achevé en août 2023, est un revers majeur pour les États-Unis, qui ont dû rendre le contrôle de leur dernière base militaire aux forces armées nigériennes. Ce retrait démontre la volonté des autorités africaines de reprendre leur souveraineté et de s’affranchir de la tutelle des puissances occidentales. En mai, le Niger a clairement exprimé son rejet de l’ingérence militaire américaine en rompant l’accord de coopération militaire. Cette décision a marqué la fin d’une longue période de collaboration militaire, perçue par beaucoup comme une forme de dépendance stratégique à l’égard des États-Unis.
Les États-Unis ont justifié leur présence militaire en Afrique par la nécessité de lutter contre le terrorisme, mais les résultats sont pour le moins mitigés. Dans les faits, les conflits au Sahel se sont intensifiés malgré la présence des troupes étatsuniennes, françaises, et d’autres acteurs occidentaux. Le renversement du président Bazoum par le général Abdourahamane Tiani en juillet 2023 a marqué un tournant décisif dans la politique de défense nigérienne et dans la perception des partenariats internationaux.
Les populations locales et plusieurs gouvernements africains sont de plus en plus réticents à accepter des interventions militaires étrangères qui échouent à apporter la paix ou la sécurité. Les forces étatsuniennes, qui prétendaient former les troupes locales et mener des missions de reconnaissance, n’ont pas pu endiguer la violence ni prévenir les coups d’État dans la région. Au lieu de renforcer la sécurité, la présence des États-Unis a exacerbé les tensions et renforcé les perceptions de domination étrangère.
Face à l’échec de leur mission au Niger, les États-Unis cherchent maintenant à redéployer leurs troupes dans d’autres pays africains comme le Ghana, la Côte d’Ivoire, et le Bénin. Toutefois, cette stratégie de « relocalisation » démontre une incapacité à repenser leur approche en Afrique. Il ne s’agit pas de trouver de nouveaux partenaires, mais plutôt de comprendre que l’influence militaire étrangère n’est plus souhaitée dans de nombreuses régions du continent.
Cette quête de nouveaux points d’ancrage militaire est une tentative désespérée de maintenir une emprise sur l’Afrique dans un contexte où de plus en plus de pays africains affirment leur souveraineté. Les récentes révolutions politiques au Niger, au Mali, et au Burkina Faso montrent que les populations et les gouvernements africains veulent désormais se libérer de l’ingérence occidentale, qu’elle soit militaire, économique ou politique.
Le retrait des troupes étatsuniennes du Niger est plus qu’un simple repli stratégique. Il marque le début d’une ère où les pays africains, en particulier ceux du Sahel, reprennent le contrôle de leurs politiques intérieures et extérieures. Washington, de plus en plus perçu comme une force de déstabilisation, semble incapable de s’adapter à cette nouvelle réalité où l’Afrique cherche à s’émanciper de la tutelle des grandes puissances étrangères.
Les initiatives comme l’Alliance des États du Sahel (AES) montrent qu’une nouvelle forme de coopération, centrée sur les besoins réels des pays africains, est possible sans ingérence extérieure. Les États-Unis, malgré leurs tentatives de repositionnement, devront accepter cette réalité : leur aire d’influence militaire dominante en Afrique est sur le déclin, et l’avenir du continent se construira sans eux.
Sources : Press TV France