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Avec le gouvernement le plus anti-palestinien de son histoire, Israël se dirige vers une 3e Intifada
mardi 31 janvier 2023 par Marjorie Cohn
Le nouveau gouvernement annexera la Cisjordanie et développera les colonies illégales.
Benjamin Netanyahu a prêté serment pour la sixième fois comme premier ministre d’Israël. Alors que son mandat précédent s’est terminé devant une commission pour crimes de guerre contre le peuple palestinien, ce nouveau gouvernement de Netanyahu s’annonce comme le plus à droite et le plus conservateur sur le plan religieux de l’histoire d’Israël.
Netanyahu a été réélu bien qu’il fasse l’objet de poursuites pénales pour corruption, fraude et abus de confiance.
Afin d’assurer son sixième mandat, Netanyahu a fait un pacte avec le diable en négociant avec les forces religieuses d’extrême droite en Israël. A l’exception du parti laïc de Netanyahu, le Likoud, les six autres partis de sa coalition sont religieux, et deux d’entre-eux représentent les Juifs israéliens ultra-orthodoxes, les Haredim.
« Les ministres du nouveau gouvernement de Netanyahu ont commencé à saliver depuis des semaines à l’idée de tout ce qu’ils vont pouvoir changer une fois au pouvoir » a déclaré à Truthout Phyllis Bennis, le directeur du Projet de Nouvel Internationalisme de l’Institut d’études politiques.
- « Maintenant qu’ils ont prêté serment, il ne fait aucun doute que les plans sont déjà en cours pour une expansion intensive des colonies, la concrétisation d’une l’annexion de facto (bien qu’illégale) de grandes parties de la Cisjordanie, d’une augmentation générale de la destruction de maisons et l’expulsion de familles palestiniennes ; le tout visant à intensifier ce que les précédents gouvernements appelaient la « judéisation » de Jérusalem-Est occupée et de la majeure partie de la Cisjordanie.
La coalition de Netanyahu a déclaré « le droit exclusif et inaliénable du peuple juif à toute la terre d’Israël ». Voilà qui va encore plus loin que la « loi fondamentale » de 2018 – qui a gravé l’apartheid dans le droit israélien – en affirmant que seuls les Juifs ont droit à l’auto-détermination.
Avec ce nouveau gouvernement, les Palestiniens vont « faire face à une discrimination encore plus terrible. Attaques militaires de Gaza, arrestations et détentions d’enfants, punitions collectives – on va assister à une escalade, selon Bennis qui ajoute, les violations vont empirer, non seulement quantitativement mais aussi qualitativement ».
Le nouveau ministre de la sécurité nationale d’Israël, Itamar Ben-Gvir, est un extrémiste qui a été accusé de soutenir le terrorisme et d’inciter au racisme anti-arabe. C’est lui qui contrôlera les forces de police israéliennes.
Cinq jours après la prestation de serment de Netanyahu, Ben-Gvir s’est rendu sur le troisième site saint de l’islam, la Mosquée d’Al Aqsa, à Jérusalem-Est occupée, provoquant la fureur des Palestiniens. Le porte-parole du Hamas, Hazem Qassem, a déclaré à Al Jazeera que le geste de Ben-Gvir s’inscrit « dans la continuité de l’agression menée par l’occupation sioniste contre nos lieux saints et de la guerre menée contre l’identité arabe ».
Le ministre des Affaires étrangères palestinien a qualifié la « prise d’assaut » d’Al Aqsa par Ben-Gvir de « provocation sans précédent et de dangereuse escalade du conflit ». En effet, rappelle Al Jazeera « la venue de l’ancien premier ministre Ariel Sharon sur l’esplanade des Mosquées en 2000, avait déclenché la deuxième révolte ou intifada palestinienne. »
Bezalel Smotrich, leader du Parti religieux sioniste, sera le prochain ministre des Finances. C’est lui qui désignera l’unité militaire en charge de surveiller le passage des frontières et les autorisations accordées aux Palestiniens. Smotrich a plaidé pour la suppression du droit d’inculper les fonctionnaires pour abus de confiance et fraude, un changement qui pourrait faire disparaître les charges contre Netanyahou.
La coalition en place a également l’intention d’amender l’actuelle loi anti-discrimination afin de permettre aux entreprises et prestataires de services de refuser de fournir toute prestation contraire à leur convictions religieuses. Ils pourraient ainsi pratiquer une discrimination à l’encontre des personnes LGBTQ et des femmes.
La montée en puissance de la répression promise par le nouveau gouvernement ne surprend pas les Palestiniens. « Son programme de suprématie juive et d’annexion est maintenant très explicite et sans appel » a déclaré au New York Times Husam Zomlot, l’ambassadeur de la Palestine en Grande-Bretagne.
Plusieurs organisations des droits humains israéliennes et palestiniennes, dont Adalah, B’Tselem, Breaking the Silence, Peace Now and Physicians for Human Rights Israel, ont signé une déclaration commune pour avertir que : « l’occupation et l’apartheid dans les territoires occupés de la Palestine ont fait de la suprématie juive une loi de facto de ce pays et le nouveau gouvernement tente de faire adopter ce principe dans la politique officielle des territoires occupés. »
Plus de 100 ambassadeurs et ministre des Affaires étrangères à la retraite ont signé une lettre officielle adressée à Netanyahu pour exprimer leur « profonde inquiétude » quant aux éventuels dégâts que cela pourrait causer concernant les relations extérieures d’Israël.
Aux États-Unis, des centaines de rabbins ont publié une lettre ouverte pour protester contre la volonté de la coalition de porter atteinte aux droits des personnes LGBTQ et des femmes, de permettre à la Knesset (le Parlement) de passer outre les décisions de la Cour suprême israélienne, d’annexer la Cisjordanie sans autoriser les Palestiniens à voter, d’expulser les citoyens israéliens arabes qui remettent en question le gouvernement et de restreindre la loi sur le retour aux seuls Juifs orthodoxes. (La loi du retour, adoptée en 1950, permet à tous les Juifs de venir en Israël. Son but était de renforcer Israël en tant qu’État juif.)
« Lorsque ceux qui prônent le racisme et la bigoterie prétendent parler au nom d’Israël, mais dénient nos droits, notre héritage et les droits des plus vulnérables d’entre nous, on se doit d’agir. Il nous faut parler haut et fort », ont écrit les rabbins.
En ce qui concerne les États-Unis, déclare Bennis, ce qu’il faut, c’est un « changement de la politique américaine pour adopter une position qui reflète la progression de l’opinion publique et des médias dans ce pays : la reconnaissance qu’Israël pratique l’apartheid, et la nécessité de remettre en question le soutien sans réserve apporté depuis longtemps à l’apartheid sur les plans militaire, diplomatique et économique. »
Le gouvernement américain est le principal bailleur de fonds d’Israël, prodiguant une assistance militaire annuelle de 3,8 milliards de dollars. Le président Joe Biden a réaffirmé sa grande estime pour Netanyahu « qui est mon ami depuis des décennies, afin que nous puissions ensemble relever les nombreux défis et saisir les chances qui attendent Israël et le Moyen-Orient ». Biden entend concrétiser la reconnaissance illégale par Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël en construisant une ambassade permanentes sur des terres volées aux Palestiniens.
Thomas Nides, l’ambassadeur des États-Unis en Israël, s’est fait l’écho des éloges de Biden à l’égard de Netanyahu. « C’est un premier ministre talentueux et très expérimenté. Nous voulons travailler main dans la main avec lui en accord avec les valeurs communes que nous partageons, et à ce stade ne pas nous laisser déconcentrer par qui que ce soit », ajoute Nides.
Dans un tweet il ajoute : « Trinquons à la relation solide et aux liens indéfectibles entre les États-Unis et Israël. »
Dans le même temps, le 30 décembre dernier, l’Assemblée générale des Nations-Unies a voté une résolution pressant la Cour internationale de justice (CIJ) de publier un avis consultatif sur les conséquences légales de l’occupation illégale des territoires palestiniens par Israël. La CIJ, connue aussi sous le nom de Cour mondiale, est le bras judiciaire de l’ONU.
Elle gère les conflits entre les états membres des Nations Unies.
La résolution de l’Assemblé générale exprime une demande de déclaration de la CIJ concernant les « les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ainsi que de ses mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem depuis 1967 mais aussi depuis l’adoption des législations et règlements discriminatoires. »
En 2004, la CIJ a émis un avis consultatif concluant que le mur israélien avait été construit sur le territoire palestinien occupé en violation de la loi internationale et exigeant d’Israël son démantèlement ainsi que le paiement de réparations.
Israël a ignoré cet avis.
Il existe un moyen efficace si on veut faire pression sur Israël afin que cesse l’occupation illégale des territoires palestiniens et le viol des droits des Palestiniens.
Il s’agit du mouvement Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS), une initiative de la société civile palestinienne qui consiste en des « mesures punitives non violentes ». Il s’agit de boycotts académiques, culturels et économiques ; de désinvestissement des entreprises israéliennes et de ses filiales ; et de sanctions telles que l’arrêt des accords commerciaux militaires.
Ces mesures resteront en place tant qu’Israël ne reconnaitra pas « le droit inaliénable à l’auto-détermination » du peuple palestinien et tant que le droit international ne sera pas respecté en :
- 1) cessant toute occupation et colonisation de toutes les terres arabes et en détruisant le mur de séparation ;
- 2) reconnaissant les droits fondamentaux à l’égalité des citoyens arabo-palestiniens d’Israël ;
- 3) en respectant, protégeant et promouvant le droit des réfugiés palestiniens au retour sur leurs terres comme demandé par la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations-Unies.
« La suprématie d’une branche du sionisme ouvertement raciste, fondamentaliste juive, génocidaire et homophobe dans l’actuel gouvernement d’extrême droite de Nétanyahu est une aubaine pour le mouvement BDS qui trouvera un terreau fertile pour isoler davantage encore le système israélien de colonialisme et d’apartheid et ce, à tous les niveaux » , a écrit Omar Barghouti, le co-fondateur du mouvement BDS pour le droit des Palestiniens dans un mail à l’adresse de Truthout : « Mais les terrains fertiles ne donnent pas à eux seuls des fruits ; nous avons besoin de la passion et du travail à caractère stratégique de nombre de personnes dans le monde entier pour planter les graines du changement, pour recueillir le pouvoir du peuple et lui donner une orientation stratégique pour démanteler ce système d’oppression. »
« Avec ce fascisme non dissimulé au pouvoir en Israël, il est grand temps de mettre à bas l’hypocrisie coloniale des États-Unis et de ses alliés européens. Ils imposent depuis quelques mois des sanctions sans précédents à la Russie à cause de l’occupation illégale de l’Ukraine, et pourtant ils continuent de permettre, soutenir et défendre le système israélien vieux de plusieurs décennies d’oppression violente du peuple palestinien autochtone » ajoute Barghouti.
BDS rencontre un tel succès qu’Israël le considère comme une menace existentielle.
Marjorie Cohn [1]
Source : ScheerPost, Marjorie Cohn, 05-01-2023
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Voir en ligne : https://www.les-crises.fr/netanyahu...
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[1] Marjorie Cohn est professeure émérite de droit à la Thomas Jefferson School of Law, ancienne présidente du National Lawyers Guild et membre des comités nationaux de défense de la Défense Assange et des vétérans pour la paix, et du bureau de l’association internationale des juristes démocrates. [L’Association internationale des juristes démocrates est une organisation non gouvernementale qui regroupe des juristes de toutes les parties du monde. Elle a un statut consultatif au Conseil économique et social des Nations unies et à l’UNESCO, NdT] Parmi ses publications : Drones and Targeted Killing : Legal, Moral and Geopolitical Issues (Drones et assassinats ciblés, problématiques légales, morales et géopolitiques, non traduit). Elle co-anime l’émission de radio « Loi et Désordre ».