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24 août 1944 : les Espagnols de la Deuxième Division Blindée entrent dans Paris en insurrection contre l’occupant nazi
samedi 24 août 2024 par Roger Colombier
Si la 2e DB des Forces Françaises Libres est commandée par le général français Leclerc, ses premiers éléments blindés, entrant dans Paris par la Porte d’Italie, sont composés majoritairement de soldats espagnols : 146 soldats sur 160 au total. D’ailleurs, cette unité se dénomme la Nueve (la 9 en espagnol), on y parle couramment la langue de Cervantès et les ordres sont donnés bien souvent en cette langue.
Pour autant, le capitaine français Raymond Dronne en est le commandant. Et s’il a peint un superbe "mort aux cons" sur sa jeep, il n’a trouvé rien à redire que ses hommes aient baptisé leurs engins d’appellations espagnoles : Guadalara, Brunete, Teruel, Ebro, Santander ou Guernica, batailles de la Guerre d’Espagne. D’autres se dénomment Don Quichote ou España Cañi (Espagne gitane), l’état-major français a prohibé les noms de républicains espagnols sur le blindage.
11 half-tracks, 4 véhicules et 3 chars, avec les couleurs rouge, jaune, violet de la République d’Espagne, ainsi dénommés "La Nueve", entrent donc dans Paris occupé par 16 000 à 20 000 soldats allemands. Ils confortent l’insurrection de la résistance parisienne ordonnée, le 19 août, par le communiste Rol-Tanguy, chef de Forces Françaises de l’intérieur.
Les nazis capituleront à la gare Montparnasse le 25 août 1944.
D’où proviennent ces Espagnols que les Parisiens prennent pour des compatriotes ?
Remontons à la Guerre d’Espagne. Le 17 juillet 1936, un coup d’état militaire fasciste essaie de renverser la République espagnole de Front populaire sortie des urnes. Les rebelles vont être aidés militairement et financièrement par le Reich nazi et l’Italie fasciste. A l’inverse, les "démocraties occidentales", dont la France, s’en lavent les mains. De ce fait, malgré l’aide de la seule URSS et des Brigades internationales, la République espagnole est vaincue en avril 1939 et la dictature fasciste du général Franco va s’établir sur l’Espagne jusqu’en 1975.
La Retirada (la retraite) entraîne des centaines de milliers de républicains espagnols à franchir la frontière pyrénéenne. La patrie des droits de l’homme leur ouvre des camps de concentration dans le sud de la France.
De plus, tous ces soldats espagnols sont mal vus par les autorités de la 3e République. Ils risquent de contaminer, par leur antifascisme militant, la population française encline à pactiser avec Hitler pour s’épargner la guerre. De ce fait, plus de 30 000 sont envoyés dans des camps disciplinaires de travail en France ou en Afrique du Nord. Certains s’évadent et rejoignent les prémices de la Résistance en France. D’autres s’engagent dans les Forces françaises libres en Afrique du Nord, au début 1943.
D’où ce bataillon espagnol dans la 2e DB. Ce genre d’unité déplait aux officiers du régime de Pétain convertis fraîchement au général de Gaulle. Lorsque les Espagnols sont les premiers à libérer Bizerte, le commandement américain salue "l’habileté des guerriers primitifs".
Ils débarquent avec la 2e DB dans la nuit du 31 juillet au 1er août 1944 à Sainte-Mère-l’Eglise, en Normandie.
Aujourd’hui, l’extrême-droite française ose s’arroger le mot de patrie. Mais sous le régime de Pétain et l’Occupation, de quel côté se situait-elle ?
Roger Colombier : petit-fils d’Andal Casas, chargé de famille et combattant républicain espagnol anarchiste, engagé volontaire dans l’armée française mais que la débâcle ne permit pas de rejoindre le front. A la Libération, il demanda la nationalité française. Comme la preuve de son engagement en 1940 avait soi-disant brûlé durant la guerre, on la lui refusa. Mon grand-père maternel ne retrouvera son pays natal qu’à la mort du dictateur Franco. Mon grand-père est enterré à Narbonne dans l’Aude, en cet arc méditerranéen français qui donne aujourd’hui sa préférence électorale à l’extrême droite. Pouah !