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65 ans plus tard, « Gerboise bleue » fait encore des victimes au Sahara Algérien

mercredi 12 mars 2025 par AFASPA

Le 13 février 1960, l’État français expérimentait a Reggane, dans le Sud algérien, son premier essai nucléaire atmosphérique. Une bombe de 70 kilotonnes explose dans !’atmosphère !
L’équivalent de 4 fois celle d’Hiroshima. L’opération est appelée Gerboise bleue, nom du petit animal du désert familier des habitants qui n’ont rien à en redouter ... Durant l’année qui suit, 3 autres essais auront lieu au-dessus du désert algérien, puis jusqu’en 1966, 12 essais dans les airs et sous terre. 5 soit 5 ans après l’indépendance de I’ Algérie, conformément aux Accords d’Évian signés entre le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne [GPRA) et la France qui poursuivra, des 1966, ses essais criminels en Polynésie.

Dans un contexte de guerre froide et de course à la technologie.

Avec la dissuasion nucléaire, la France voulait démontrer rapidement sa capacite à utiliser la bombe. Le Sud algérien est choisi pour mener les essais, la zone étant considérée comme assez désertique. Pourtant 15 ans après Hiroshima et Nagasaki, la dangerosité de l’arme nucléaire est connue.
Mais le Sahara n’est pas vide.
Selon les études françaises, au moins 40 000 habitants de la zone ont été touchés par les radiations entre 1960 et 1966 qui ont occasionné des cancers et des malformations sur des enfants des générations suivantes.

II était une fois la légende de « La bombe propre »

Témoignages recueillis par Amelie Tulet, journaliste à RFI :
- Albdekrim Touhami : « Tout le monde accourait pour voir d’un paste de manœuvre ou de travailleur simple sur le chantier. Loin de nous /’idée que cette bombe allait être une catastrophe pour la région. On nous a dit : ’Voilà, la bombe va éclater de telle hauteur, à telle heure.
Vous allez peut-être sentir des secousses comme une sorte de séisme. Mais n’ayez crainte, ii n’y aura pas de problème. »

- Jean-Marie Collin porte-parole de lean-France (Campagne Internationale pour !’Abolition des Armes Nucléaires) auteur d’une étude avec Patrice Bouveret : Sous le sable, la radioactivité (rendue publique le 27 aout 2020). « Très clairement, la France a une volonté d’enfouissement. Elle considère le désert comme un océan, un océan de sable, et elle enterre tout ce qui est susceptible d’être contamine. L’indépendance algérienne et le fait que la France ait quitté l’Algérie dans des conditions un peu compliquées, cela n’a pas joué en faveur d’une dépollution. Bien au contraire, on a laissé encore plus de déchets. (...) Des déchets qui vont du simple tournevis au char exposé pour tester la résistance de l’équipement militaire a la bombe atomique.

Autre pollution liée aux essais nucléaires, celle, accidentelle, lors de /’essai souterrain Berry/ en 1962. »

- Les tirs nucléaires souterrains nécessitent de creuser une galerie dans la montagne pour y faire exploser la bombe. Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire des armements (TVSMONDE juillet 2021) « Jusqu’à quand la radioactivité reste dans la galerie ? On n’en sait rien. Mais on sait que ces déchets hautement radioactifs ont une durée de vie de 24 000 ans. Les bombes pour lesquelles on faisait des essais étaient 10 a 20fois plus grandes que celle d’Hiroshima ».

Un rapport de 1996 intitulé « La genèse de !’organisation et les expérimentations au Sahara (CSEM et CEMO) » révélé par la revue Damoclès de l’Observatoire des armements n°128-129) a mis en évidence que les essais nucléaires français au Sahara n’ont pas été « propres ». On y apprend que sur les treize tirs effectues entre 1961 et 1966, douze ont fait l’objet de fuites radioactives.

En 2013 des Polynésiens, membres de Moruroa e tatou, ont pu échanger avec les représentants de !’association « 13 février 1960 » de Reggane et visiter les anciens sites d’essais français au Sahara. L’inquiétude est grande pour les conséquences sanitaires des 4 bombes aériennes qui ont explosé en 1960 et 1961 a quelques 40 km de la petite oasis : les habitants n’avaient ni abris ni blockhaus pour se protéger, seulement leurs bras devant leurs yeux et leurs vêtements en guise de tenue de protection contre les radiations. Les soldats français de la base de soutien aux essais nucléaires n’étaient guère mieux lotis.
La zone des points zéro de ces bombes reste jonchée de ferrailles tordues et de sable noirci et vitrifie par la chaleur de la bombe.

Une carte déclassifiée sur les essais nucléaires français au Sahara

Ces lieux très contaminés, sont restes libres d’accès pendant un demi-siècle...
Les nomades et les habitants de Reggane et des oasis voisinnes, ignorant tout du danger, ont récupéré tout ce qu’ils ont pu sur ces lieux stupéfiants de beauté et pourtant imprégnés de poisons mortels.

Le 14 février 2014, Le Parisien a publié une carte sur les essais sahariens et polynésiens, qui avait été déclassifiée du secret défense après des décennies, dans le cadre d’une campagne menée par les vétérans français demandant réparation. Cette carte a montré l’étendue des retombées radioactives dans le Sahara au début des années 1960, particulièrement le parcours du nuage radioactif pendant une quinzaine de jou rs sur une partie de l’Afrique après l’essai du 13 février 1960.

Dans un entretien à El Watan en 2014 Bruno Barrillot, expert et cofondateur de l’Observatoire des armements, indiquait que l’urgence, c’était « ln Ekker, zone où s’est produite la catastrophe de Beryl ». L’expert évoquait « une immense coulée de lave de 600 m de long à ciel ouvert ».
Plus de cinquante ans après le dernier essai nucléaire français, Alger a créé une agence pour la réhabilitation des sites des anciens essais nucléaires.

Circulez, il n’y a rien à voir !

Ce sujet, absent des débats traitant de la pollution environnementale, constitue un véritable tabou à l’égard de la société française.
L’Observatoire des armements /Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits (CDRPC) note que le nombre global de documents déclassifiés en 2013 par le ministère français de la Défense du « secret défense », relatifs aux essais nucléaires français au Sahara et en Polynésie de 1960 à 1996, est dérisoire : moins de 5%. Soit une trentaine de documents sur 154 qui ont de l’intérêt, selon les experts de l’Observatoire qui les ont analysés. Et cette déclassification résulte de la procédure judiciaire engagée en 2004 par des associations de victimes des essais nucléaires français en Algérie et en Polynésie, l’Aven et Moruroa e tatou auprès du Parquet de Paris.

Par ailleurs, l’État français ne répond pas à la demande de l’Algérie de fournir la liste complète des emplacements où les déchets ont été enfouis, réfutant la nécessité puisque les essais auraient été « propres » et n’auraient causé que peu de dégâts...

À quelques jours de ce triste 65ème anniversaire, une information a circulé selon laquelle les poussières transportées par les vents de sable du Sahara sur la France ne proviennent pas du Sahara et ne sont pas radioactives.

Dans son enquête parue le 10 février 2025 dans El Watan, Nadjia Bouzeghrane écrit :

  • « Deux anciens scientifiques du contingent, Louis Bulidon et Raymond Séné, étaient présents à ln Ekker en mai 1962. Ils avaient la charge des mesures de radioactivité et leurs appareils ont enregistré les retombées radioactives du nuage de l’accident Béryl dans l’axe nord-sud, c’est-à-dire sur la zone la plus habitée de la région allant de la montagne du Tan Afela, au nord, à Tamanrasset et jusqu’au fleuve Niger, au sud. Plus de 5000 personnes, hommes, femmes et enfants, habitant cette région du Hoggar, sans compter les quelques 2000 militaires et civils employés aux essais sur la base d’ln Amguel et le millier de travailleurs « recrutés localement dans tout le Sahara, ont été affectés par le nuage radioactif. »

Toutes les mesures faites par les deux scientifiques ont été enregistrées et restent, aujourd’hui, cadenassées dans les archives françaises gardées secrètes, au nom de « la raison d’État ».

Le chef d’état-major de l’ANP, Saïd Chanegriha, avait demandé à son homologue français, François Lecointre, à Alger le 8 avril 2021, « la prise en charge définitive des opérations de réhabilitation des sites de Reggane et d’ln Ekker, et la récupération des cartes topographiques permettant la localisation des zones d’enfouissement, non découvertes à ce jour, des déchets contaminés, radioactifs ou chimiques ».

Pour la journaliste « Il n’est plus possible que ce gouvernement attende encore pour remettre aux autorités algériennes la liste complète des emplacements où ils ont été enfouis. Pourquoi continuer de faire peser sur ces populations des risques sanitaires, transgénérationnels et environnementaux ».

Le « secret défense » français a été renforcé par l’adoption le 15 juillet 2008 d’une loi rendant les archives sur les essais nucléaires non communicables sans une autorisation spécifique du ministère de la Défense.

Il a fallu presque 10 ans après l’entrée en vigueur le 5 janvier 2010 de la « loi de reconnaissance et d’indemnisation des victimes des essais nucléaires de la France », dite « loi Morin », obtenue après plus de dix ans d’actions des associations, pour que les victimes commencent à en bénéficier. Le dépôt du dossier relève du parcours d’obstacles. Outre les pathologies reconnues potentiellement radios induites du décret, les demandeurs doivent avoir résidé sur la zone définie

   

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