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Tchad : Le crime de N’Djamena, la complicité de Paris
dimanche 23 octobre 2022 par Afrique XXI
C’était une date symbolique. Ce jeudi 20 octobre, le général Mahamat Idriss Déby aurait dû rendre le pouvoir aux civils dix-huit mois après l’avoir accaparé illégalement dans la foulée de la mort de son autocrate de père, Idriss Déby Itno, en avril 2021.
Au lieu de cela, il a présidé au massacre de son peuple. À l’appel de plusieurs partis, et en dépit de l’interdiction de manifester qui avait été décrétée par le gouvernement – comme souvent dans ce pays ces dernières années -, des Tchadiens s’étaient réunis à N’Djamena et dans plusieurs villes de province afin de protester contre son maintien au pouvoir (la transition a été prolongé de vingt-quatre mois début octobre, à l’issue d’un « Dialogue national inclusif et souverain » dont les dés étaient pipés).
Ce fut un carnage : une cinquantaine de morts et 300 blessés selon les autorités ; plus encore selon l’opposition. Parmi les morts, le gouvernement affirme qu’il y a eu « entre dix et quinze éléments des forces de l’ordre ». Un journaliste, Narcisse Oredje, a également perdu la vie.
Comme souvent au Tchad, c’est en tirant à balles réelles que les forces de sécurité ont riposté aux manifestants. Pour justifier cette sanglante répression, le Premier ministre Saleh Kebzabo a argué sur RFI qu’il s’agissait d’une « insurrection populaire en vue de s’emparer du pouvoir par la force », et non d’« une marche pacifique ».
Il y a moins de deux mois, le même Kebzabo estimait dans un entretien filmé qu’il fallait mettre fin aux brutalités policières. Il est vrai qu’il faisait alors figure d’opposant historique et qu’il n’avait pas encore été appelé à diriger le gouvernement de transition…
Ce gouvernement a décrété dans la soirée l’interdiction de plusieurs partis qui avaient appelé à manifester. Ainsi, il semble vouloir faire reposer la responsabilité de la tuerie sur l’opposition. La France aussi aimerait bien faire oublier ses responsabilités.
Dans un communiqué publié en milieu de journée, le Quai d’Orsay a condamné « l’utilisation d’armes létales contre les manifestants » et a tenu à couper court aux rumeurs de son implication, en précisant que la France n’a joué « aucun rôle dans ces événements qui relèvent strictement de la politique intérieure du Tchad ».
C’est oublier que la France coopère étroitement avec les forces de sécurité tchadiennes - et ce depuis de nombreuses années en dépit de leurs violences répétées contre les civils -, mais aussi, et surtout, que c’est Emmanuel Macron en personne qui avait adoubé Déby fils lors de sa prise de pouvoir en avril 2021.
Sans ce soutien indéfectible, qui passe également par un appui budgétaire constant, le jeune putschiste aurait peut-être réfléchi à deux fois avant de se maintenir à la tête du pays et de mater l’opposition par les armes.