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Pérou : révolte massive contre le coup d’État
samedi 28 janvier 2023 par Rosa M. Mestanza
Depuis le 7 décembre, le Pérou est sous une dictature dirigée par la droite et l’extrême droite. Un soulèvement populaire massif a déjà fait des centaines de blessé·e·s et 26 morts.
lors que les putschistes intensifient la répression, traitent les manifestant·e·s de « terroristes » et gazent leurs cortèges funèbres, la lutte s’organise dans tout le pays.
Le Pérou est en crise politique depuis 2016 (6 présidents en 5 ans). En 2021, Pedro Castillo est élu président, face à Keiko Fujimori, la fille du dictateur des années 1990. Syndicaliste enseignant, d’origine indigène, il est soutenu par les mouvements paysans et ouvriers, sur la promesse d’une nouvelle Constitution en remplacement de celle héritée de la dictature de Fujimori père.
Pour les élites péruviennes, Keiko est le symbole de la « démocratie » face au danger « communiste » et « terroriste », en dépit des scandales de corruption et de narcotrafic qui la touchent. Elle n’a jamais reconnu sa défaite et est à l’initiative d’une déstabilisation permanente des institutions depuis.
L’ingouvernabilité comme objectif
Depuis l’élection de Castillo en juin 2021, la droite, l’extrême droite et le patronat ont pour objectif l’ingouvernabilité totale et tentent de faire tomber le nouveau président en s’appuyant sur de fausses accusations de fraude et des attaques de la part d’un Congrès de plus en plus impopulaire.
Ce 7 décembre, Castillo décide de fermer temporairement le Congrès qui, ce même jour, s’apprêtait à voter sa destitution. Il annonce des nouvelles élections parlementaires dans les plus brefs délais et l’élaboration d’une nouvelle Constitution dans les neuf mois. Immédiatement, la droite putschiste vote sa destitution, l’arrête et l’emprisonne dans la foulée. Il est retenu illégalement en détention préventive et Dina Boluarte, sa vice-présidente, assume la présidence après avoir passé des accords avec la droite et l’extrême droite, et se mettant donc à leur service.
Castillo est soupçonné dans des affaires de corruption qui doivent faire l’objet d’enquêtes. Il n’a de plus pas tenu ses promesses principales. Mais au-delà du bilan qui peut être fait de son mandat, il fait l’objet d’un traitement injuste. Celui-ci doit être interprété comme la vengeance de la classe dominante raciste et coloniale envers ce syndicaliste d’origine indigène et paysanne pour avoir osé prétendre gouverner le Pérou. Il est attaqué pour ce qu’il représente et c’est pourquoi la lutte actuelle va au-delà de la défense de sa personne.
Une riposte qui s’organise
Face à ces événements, des révoltes ont lieu dans tout le pays. Les organisations paysannes, indigènes, syndicales, étudiantes, féministes et des gouvernements régionaux ont lancé des appels à mobilisation. Les manifestant·e·s sortent dans les rues, prennent des aéroports, bloquent des usines, les routes principales et l’accès à des mines.
Des organisations paysannes et communautés indigènes se sont déclarées en insurrection et sont descendues massivement dans les villes les plus proches et à la capitale pour organiser la résistance. Suite aux mort·e·s, des commissariats, des bâtiments de justice et de presse ont brûlé. Dans tout le pays, les revendications sont les suivantes :
- dissolution du Congrès,
- nouvelle Constitution,
- démission de Boluarte,
- libération de Castillo
- et arrêt de la répression.
La répression s’organise à l’image des années 1980-90 : concentration de la violence d’État sur la population ouvrière, rurale et indigène, violations des droits humains, fake news et criminalisation de la lutte, accusations de terrorisme, perquisitions illégales dans les locaux militants, fabrication de preuves, menaces et intimidation, enquête des crimes militaires par les militaires eux-mêmes, etc.
Au Pérou, nous ne sommes pas seulement sous dictature, mais nous avons affaire au retour du terrorisme d’État qui vient ré-ouvrir la plaie profonde des 20 ans de conflit armé interne.
Le Pérou est en train de vivre un soulèvement historique où les contradictions de classe, de race et de ruralité/urbanité sont le noyau du conflit. Tout porte à croire que les mobilisations ne vont pas s’arrêter avant de faire tomber le coup d’État institutionnel. Celui-ci est le symbole d’une classe politique coloniale, qui gouverne le pays depuis 200 ans en fonction d’intérêts mafieux, des intérêts du patronat, et dans le sens du capitalisme néolibéral et impérialiste.
Une classe politique bourgeoise, raciste, corrompue, et mafieuse qui ne gouverne que pour les élites de la capitale, en laissant de côté tout le reste du pays qu’elle traite de terroristes et d’indigènes ignorant·e·s.
Une classe politique qui n’arrive plus à s’imposer comme avant, qui n’arrive plus à délégitimer les luttes en jouant sur la peur du communisme ou du terrorisme, et qui se trouve face au retour de bâton : à l’insurrection populaire et indigène qui veut la voir tomber.
Voir en ligne : https://solidarites.ch/journal/414-...
Messages
1. Pérou : révolte massive contre le coup d’État
28 janvier 2023, 20:21 - par Gérard Jugant
Merci, Rosa, pour cet article qui résume très bien la situation que connaît le Pérou. C’est une dictature fasciste qui en place au Pérou. Tous les démocrates en France et dans le monde doivent dénoncer ce régime et soutenir les revendications légitimes du peuple péruvien. On comprend que la classe dominante (les oligarques) craignent des élections, qui, avec une nouvelle Constitution, pourrait orienter le Pérou ver un régime progressiste, si ce n’est socialiste. La solidarité internationale doit s’organiser, comme c’est déjà le cas dans plusieurs pays d’Amérique latine.
2. Pérou : révolte massive contre le coup d’État
28 janvier 2023, 20:23 - par Gérard Jugant
J’ajoute à mon commentaire que le nombre de manifestants tués au Pérou est désormais de 60, et qu’il y a eu 1200 blessés par balles.