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Quelques vérités sur Cuba
jeudi 11 mai 2023 par JF Loubière
Un ami de l’ANC, sympathisant de la révolution cubaine depuis longtemps, a séjourné en avril 2023 dans l’île socialiste, et a bien voulu nous faire part de ses impressions. Pour la plupart des membres de cette délégation française, ce fut l’occasion de constater les conséquences dramatiques du blocus imposé depuis des décennies par l’impérialisme nord-américain, et fortement aggravé ces dernières années durant les présidences de Trump et de Biden.
Les lecteurs du site ANC sont régulièrement informés des méfaits de l’impérialisme en Europe, notamment par la guerre en Ukraine. Les USA, incapables de maintenir leur domination mondiale par la compétition économique, nourrissent ce conflit sanglant avec leurs alliés de l’OTAN. Mais ils entretiennent aussi une tension belliciste croissante qu’on ne saurait oublier dans le pacifique, contre la Chine et la Corée socialiste, et sur les rivages atlantiques, contre Cuba et le Venezuela. « Blocus », « sanctions », qu’ils soient dirigés contre la Russie, l’Iran, Caracas ou Cuba, sont des actes de guerre.
Toutes ces menées de l’impérialisme contre les peuples peuvent conduire à la guerre mondiale. Cette stratégie d’organisation de la pénurie a pour objectif de susciter le mécontentement populaire, et de le détourner contre les régimes qui refusent la soumission à l’empire nord-américain.
Ces tentatives, avortées l’an dernier à Cuba, se renouvèleront avec l’aide d’opposants, contre-révolutionnaires, notamment camouflés en organisations religieuses évangélistes, financées abondamment depuis les USA proches, comme celles qui avaient soutenu le fascisant Bolsonaro au Brésil.
Une raison de plus pour renforcer de notre mieux le mouvement unitaire anti impérialiste en France, et notre solidarité avec tous les peuples menacés par l’impérialisme, notamment la valeureuse nation cubaine.
Combattants de la paix, nous publions ces informations pour que chacun de nous prenne conscience des dangers, et de ce qu’il nous reste à faire pour y parer.
Nous sommes prêts à publier tous les témoignages qui nous serons transmis.
POUR L’ANC, F. ARZALIER . 12 mai 2023
Mon séjour à CUBA
Parti dans le cadre d’un projet de développement à l’écotourisme dans la péninsule de Zapata (Communauté de Soplillar) un groupe de français a pu entrevoir la vie de la population de Cuba dans différentes communautés de l’île.
A peine arrivés à la Havane, le premier choc fut de voir, de notre taxi, une immense queue à la station d’essence due au rationnement drastique du pétrole. Première illustration directement palpable du blocus qui pèse depuis plus de 60 ans sur Cuba.
Heureusement, l’expérience de la communauté paysanne de Soplillar fut pour nous particulièrement vivifiante et pleine de d’espoir pour l’avenir. Il s’agissait d’un échange, débuté en 2019 entre le Centre de Services Environnementaux de Matanzas avec l’Association France Amérique Latine (FAL33), où certains d’entre nous devaient former des membres de la communauté à la réception d’écotouristes. Les autres participants jouant le jeu d’hôte cobaye.
Ainsi nous avons pu profiter d’une grande variété de repas produits au jardin et dans les fermes agro écologiques Ce village a vécu longtemps de la fabrication de charbon de bois. Il est situé dans la réserve de Ciènaga de Zapata, lequel se trouve à environ 7 km de Playa Larga. (Zone célèbre pour la tentative de débarquement dit de la Bai des cochons en avril 1961)
Nous sommes au cœur d’une biosphère entourée de marais et de bois où vit une grande diversité d’oiseaux migrateurs et endémiques, un paradis pour ceux qui veulent observer, photographier et écouter. Les sentiers de randonnée nous font découvrir la grande diversité du couvert forestier avec ses grottes et ses cenotes (ce sont des puits d’eau douce dont plusieurs font partie d’un grand système de grottes et de rivières souterraines) afin de comprendre le fonctionnement d’un système karstique complexe. Il communique avec la mer des caraïbes à certaines périodes de l’année.
Suite à la visite des villes touristiques de Trinidad et de Cienfuegos nous avons pu prendre conscience que la sécurité alimentaire nationale reste une urgence stratégique.
D’après divers témoignages entendus, le problème fondamental de l’agriculture cubaine serait l’utilisation des terres. Les grandes entreprises agricoles d’État disposent de la majorité de la surface agricole et durant des décennies, elles ont gardé 50% de ces terres en friche, 3 millions sur 6 millions d’hectares. (Conséquence peut-être de la monoculture de la canne et de l’épuisement des sols souvent calcaires et pauvres).
Malgré une redistribution réelle, ces fermes d’état possèdent encore plus de 800 000 hectares dans ces conditions. Une certaine bureaucratie n’a peut-être toujours admis que la mission principale est de faciliter la production pour nourrir la population. Pourtant nous avons vu à Soplillar des petits paysans responsables et plein d’initiatives. Un exemple pour la population rurale qui ainsi est moins sujette à la crise alimentaire des grandes villes car les paysans arrivent à produire en autosubsistance 70 à 80 % de leur alimentation (sauf le riz, le blé et les haricots dépendant de l’importation.
La nature tropicale est riche et produit bien pour celui que veut la cultiver…
La situation des villes est beaucoup plus complexe au niveau de l’alimentation car les denrées de base, distribuées à prix fixes par le gouvernement (huile, sucre, riz...) au moyen d’un livret de rationnement suffisent à peine à couvrir la moitié du mois.
Les salaires sont très bas et dès que les cubains veulent acheter des produits non réglementés ils doivent payer en dollars ou en monnaie étrangère. Le prix de l’essence est d’environ 1,15 euros du litre et il peut monter jusqu’à 3 euros au marché noir.
Nous avons aperçu deux pétroliers (un vénézuélien, l’autre angolais !) Une chemise ou une paire de chaussure c’est 30 dollars presque comme en Europe. Il en est de même pour les pièces de rechange, les appareils électroménagers. Les gens cuisinent avec des cuisinières qui fonctionnent au charbon de bois car il n’y a pas de gaz (les bouteilles sont rares et chères).
Le salaire moyen est l’équivalant de 30 euros, celui d’un fonctionnaire va varier entre 50 à 70 dollars par mois... De nombreux Cubains doivent compter sur la famille à l’étranger qui peut faire venir des produits et des devises.
La pénurie de combustible impacte toute la vie économique. Elle frappe très durement la population en entrainant de grandes difficultés de transport.
Partout dans la campagne la traction animale a été réhabilitée. Une voie spéciale, pour les charrettes, a été instituée sur le bord des autoroutes.
Les centrales électriques de l’ile fonctionnent au fuel. Cela implique des restrictions dans la fourniture d’électricité. Il y a encore peu de solaire et d’éoliennes. La capitale est largement privilégiée avec en support un bateau turc générateur d’électricité amarré dans le port. La Havane peut se permettre de faire tourner de puissants climatiseurs dans les grands restaurants et assume une débauche choquante de lumière notamment autour du Capitole et des grands hôtels. Une façon de privilégier le tourisme, et son apport de devises, au détriment des citoyens qui n’en vivent pas.
Un tourisme qui a été fortement diminué par le renforcement du blocus, et l’épidémie de Covid.
Les autres régions du pays subissent des coupures de plusieurs heures par jour. Pourtant les infrastructures de base paraissent bonnes. Il y a un réseau électrique bien entretenu et un réseau routier dense (même s’il est parfois détérioré) avec des autoroutes qui relient les principales villes du pays. La Wifi marche avec une carte cubaine quand il y a de l’énergie.
L’éducation reste prioritaire et le quadrillage de la population par une bonne politique de santé semble maintenue même s’il y a une grande pénurie de médicaments de base comme les analgésiques de type aspirine. Des règles sanitaires strictes ont été établies que la population a bien acceptées. Chaque habitation possède sa citerne sur le toit (avec sa pompe électrique), son WC sa douche et sa fosse septique à la campagne.
Les conséquences du blocus se font sentir dans les secteurs les plus inattendus comme celui de l’informatique. On nous a signalé que dernièrement la société Microsoft a payé plus de trois millions de dollars d’amendes pour avoir prétendument violé les mesures punitives des États-Unis contre Cuba. Une autre information nous apprend que des pressions sont faites sur les grandes compagnies d’assurances pour qu’elles refusent d’assurer les bateaux pétroliers allant vers Cuba.
Comme toujours, les sanctions imposées par les États-Unis, frappent essentiellement les populations civiles. Le programme pétrole contre nourriture dans l’Irak de Saddam Hussein en fut en son temps une magistrale démonstration. Le blocus injuste est l’un des plus anciens et des plus stricts de tous les régimes de sanctions mis en place par Washington. Après un bref assouplissement, sous l’administration Barack Obama (2009-2017), les mesures coercitives se sont durcies et élargies sous Donald Trump (2017-2021), une politique que le Président, Joe Biden, maintient en grande partie comme le classement de Cuba comme pays soutenant le terrorisme.
Le tourisme représente encore une des trois sources de revenus dans l’économie cubaine. Mais mise à mal par la pandémie, et la limitation des voyages autorisés par le gouvernement des États-Unis. Nous avons vu des villages de vacances et des hôtels corrects et bien bâtis mais peu remplis. Les belles plages semblent vides. L’État Cubain a réalisé des efforts incontestables dans la propreté et dans la sauvegarde de l’environnement.
La sûreté est assurée et nous n’avons pas entendu parler de vols ni d’agressions...
En arrivant dans le centre de la Havane, la ville nous est apparue comme fragmentée, décousue et désordonnée avec une très grande différence entre les quartiers. Ce manque de cohérence donne une mauvaise impression d’inégalités sociales et territoriales. Aujourd’hui, il est surprenant d’observer comment, à La Havane, des hôtels neufs et luxueux s’élèvent (avec des fonds de développement saoudien !) au milieu d’ilot de grande pauvreté et s’insèrent mal dans un tissu urbain très détérioré sans contribuer en quoi que ce soit à son amélioration.
On ne discerne pas un programme d’actions dédiées aux quartiers vulnérables pour rendre cette capitale plus habitable. Actuellement, seules les initiatives privées de propriétaires entreprenants et ayant des connexions à l’étranger ont transformé agréablement et confortablement une partie de leurs habitations, mais pour les touristes ! Nous avons pu noter de nombreuses propositions de vente d’habitations dans le centre.
Nous n’avons pas pu savoir sous quelles normes d’habitabilité (m2 de logement par famille) vivent les habitants pauvres de la Havane. Quels sont les niveaux de l’offre d’équipements urbains (cercles d’enfants, écoles, polycliniques, commerces, etc.)
Peu d’informations semblent exister sur les mesures gouvernementales prises face aux problèmes environnementaux et au changement climatique malgré une conscience et une sensibilité au niveau de certains citoyens.
Parfois un terrain en friche est récupéré par un maraicher pour des cultures vivrières, des herbes médicinales ou aromatiques. Nous sommes en présence d’un tissu très « poreux », avec de nombreux lots peu ou pas utilisés. D’après un chiffre à vérifier la municipalité de la vieille Havane aurait 80 000 habitants pour 4 Km2. La ville aurait connu un flux migratoire intense depuis les provinces, qui a sans doute généré de profonds changements sociodémographiques au cours des douze dernières années.
En conclusion, nous le soulignerons et nous le répéterons jamais assez, la priorité absolue est la levée de ce blocus cruel et injuste. Car bien souvent, nous nous sommes posé la question sur la survie des cubains devant tant de difficultés : manque d’énergie, déplacements cauchemardesques, logement totalement dégradés notamment dans la capitale avec une pénurie alimentaire qui ne permet plus de nourrir convenablement toute la population.
Pour une majorité du peuple de Cuba c’est la seule issue pour améliorer à cours terme le quotidien, avant que la situation ne devienne insupportable et incontrôlable.
Ce qui pourrait livrer ce généreux pays à toutes les aventures.
JF LOUBIÉRE
11 mai 2023