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Il est grand temps qu’Israël fasse preuve de clarté sur l’avenir institutionnel de la région
mardi 21 novembre 2023 par Renaud Girard
Ce qu’en pense le Figaro. Bien sur il est obligé d’enfiler les "perles" des la pensée unique, mais le reste n’est pas sans intérêt. Une fissure dans le soutien "inconditionnel" d’Israël ? Pour info !(JP/ANC)
Après les attaques barbares du Hamas sur le territoire internationalement reconnu d’Israël du 7 octobre 2023, tous les citoyens du monde un peu sensés reconnaîtront à l’État hébreu le droit d’éliminer militairement les structures, les caches d’armes, les chefs politiques et les combattants du mouvement palestinien islamiste.
Il est légitime que Tsahal aille les chercher jusque dans les hôpitaux et les écoles, puisque les terroristes palestiniens ont utilisé ces bâtiments civils pour y lancer naguère des missiles contre le territoire d’Israël et pour aujourd’hui y dissimuler des armes et détenir des otages.
La stratégie immédiate du gouvernement israélien d’union nationale est claire et compréhensible. Cette démocratie ne peut pas faire autrement que détruire le Hamas, car la population israélienne ne tolérerait pas une nouvelle attaque de la branche palestinienne des Frères musulmans.
Mais, parallèlement, Israël, qui se veut un État de droit respectueux des conventions de Genève, qu’il a signées, est également responsable de la situation physique et des habitations des quelque deux millions de personnes résidant à Gaza. En effet, il a décidé, souverainement, en juin 1967, d’occuper ce territoire (en même temps qu’il occupait la Cisjordanie), après sa victoire dans sa guerre préventive contre l’Égypte, la Syrie et la Jordanie, coalisées contre lui.
Statut de territoire occupé
Dans une conférence de presse de novembre 1967, le général de Gaulle avait conseillé à Israël de se retirer immédiatement des territoires qu’il avait occupés à la faveur de cette guerre éclair. Prophétique, le président français avait en effet prévu une spirale sans fin d’oppression, de résistance, de répression, tant que l’occupation se poursuivrait. Mais ce sage conseil n’avait pas été entendu par l’État hébreu, alors grisé par une victoire trop facile.
En 2005, Ariel Sharon avait retiré les administrateurs et les colons israéliens de la bande de Gaza. Celle-ci n’en a pas pour autant perdu son statut de territoire occupé au regard du droit international, dans la mesure où la population y demeura enfermée par Tsahal. Un Gazaoui ne peut pas sortir librement de ce territoire de 365 km2. Ni par les airs (l’aéroport de Gaza a été détruit par les bombardements israéliens de 2001), ni par la mer (les barques de pêche ont interdiction de s’éloigner du rivage), ni par la terre (il faut une autorisation israélienne préalable pour sortir par le nord, et une double autorisation israélienne et égyptienne pour sortir par le sud).
À court terme, Israël a donc le devoir de mener sa guerre de manière chirurgicale : détruire le Hamas tout en préservant le plus possible les civils palestiniens vivant sous sa responsabilité, et sans ravager les immeubles et les infrastructures qui seront nécessaires à leur vie future. Il n’y a aucune raison pour qu’Israël ne relève pas aujourd’hui ce défi avec succès, même s’il a eu la main lourde, pour ne pas dire vengeresse, dans ses bombardements aériens juste postérieurs aux attaques sauvages du 7 octobre.
Une parole claire
Mais c’est surtout à moyen terme qu’Israël a désormais une vaste obligation. Celle de dire enfin comment il voit le futur. Pour ce faire, Israël doit faire son aggiornamento. Car la stratégie du Likoud ne fonctionne plus, qui était de cacher sous le tapis la question palestinienne, tout en poursuivant l’intégration pacifique d’Israël dans son environnement arabe régional (accords d’Abraham).
Sur le territoire de la Palestine mandataire (cette ancienne région ottomane, située entre le fleuve Jourdain et le rivage méditerranéen, confiée par mandat de la SDN à la Grande-Bretagne en 1922) vivent aujourd’hui sept millions de Juifs et sept millions d’Arabes, sous le contrôle absolu de l’armée israélienne. Les Arabes sont deux millions et deux cent mille à Gaza, trois millions en Cisjordanie et un million huit cent mille en Israël (avec la citoyenneté israélienne, assortie d’une exemption de service militaire). Parmi les Juifs, sept cent mille habitent dans les territoires occupés par Israël après 1967.
Quel futur institutionnel assurer à ce patchwork ? Un État binational, une fédération, une confédération, deux États vivant côte à côte ? Il est grand temps qu’Israël en débatte, décide et le dise clairement. Il doit cette vérité non seulement aux Juifs, mais aussi aux Arabes vivant en Palestine mandataire, ainsi qu’aux États voisins qui ont fait la paix avec lui (l’Égypte en 1979 et la Jordanie en 1994).
La droite israélienne rêve secrètement d’une Palestine mandataire vide d’Arabes et peuplée seulement de Juifs. Or les Arabes ne partiront pas d’eux-mêmes et les soldats israéliens, qui ne sont ni des monstres ni des têtes brûlées, ne les chasseront pas de force. Cette droite doit donc revenir à davantage de réalisme et faire enfin son aggiornamento.