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Une loi martiale de 6 heures en Corée du Sud
mercredi 4 décembre 2024 par Kiji Noh
Yoon ne veut pas perdre le pouvoir, écrit Kiji Noh, mais plus important encore, les États-Unis ne peuvent pas permettre à Yoon de perdre le pouvoir. Il est la clé du dispositif asiatique contre la Chine.
Le président sud-coréenYoon Suk Yeol a déclaré mardi la loi martiale, suspendu le pouvoir législatif sud-coréen et interdit aux représentants élus d’accéder au bâtiment de l’Assemblée nationale, en recourant à une présence policière massive.
Six heures plus tard, il a annulé son décret.
Le président Yoon avait déclaré dans un discours public adressé au peuple coréen que cette mesure visait à protéger une « Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes de la Corée du Nord et à éliminer les éléments antiétatiques ». Il a ajouté : « Je rétablirai le pays dans la normalité :« Je ramènerai le pays à la normale en me débarrassant des forces antiétatiques dès que possible ».
Mais tous les membres de l’Assemblée nationale sud-coréenne, que M. Yoon avait fermée, ont voté en faveur de l’annulation du décret de M. Yoon mardi, et ce dernier a répondu à l’appel.
L’action et la rhétorique avaient évoqué les jours des dictatures militaires du pays ; le langage et la justification étaient exactement les mêmes.
Il y a eu des signaux répétés indiquant que M. Yoon pourrait déclarer la loi martiale parce que l’élan de l’opinion publique sud-coréenne en faveur de sa destitution gagnait du terrain.
Yoon est méprisé par les Sud-Coréens pour ses abus de pouvoir, la corruption de son épouse et le fait qu’il ait compromis la souveraineté et le bien-être économique de la Corée du Sud pour servir les intérêts géopolitiques des États-Unis.
Ce qui a particulièrement déclenché la colère des Sud-Coréens, c’est l’imbrication de l’armée sud-coréenne dans celle de son ancien colonisateur, le Japon, par le biais d’une alliance militaire formelle destinée à faire la guerre à la Chine.
Pour faciliter cette coalition extraordinaire, il s’est également engagé dans un révisionnisme historique radical et dans l’effacement des faits.
La semaine dernière, 100 000 citoyens ont manifesté dans les rues pour exiger sa démission immédiate, ce qui n’a absolument pas été couvert par les médias occidentaux (Nous si : https://ancommunistes.fr/spip.php?article7128). Les médias occidentaux n’en ont absolument pas parlé. Les médias occidentaux dominants n’en ont pas non plus parlé comme d’un facteur ayant contribué à l’éphémère déclaration de la loi martiale.
Yoon ne veut pas perdre le pouvoir, mais plus important encore, les États-Unis ne peuvent pas permettre à Yoon de perdre le pouvoir : il est essentiel pour consolider les alliances, les accords et une position de force asiatique pour mener la guerre contre la Chine.
Le président Joe Biden prononce un discours lors de la cérémonie d’arrivée de Yoon à Washington, en avril 2023. (Maison Blanche, Erin Scott)
Si Yoon s’en va, le champ de force se brise. En effet, la Corée du Sud est le principal mandataire, celui qui dispose de la plus grande force militaire dans la région (500 000 soldats actifs et 3,1 millions de réservistes). Ces effectifs militaires massifs tombent immédiatement sous le contrôle opérationnel des États-Unis, dès que ceux-ci décident de faire la guerre.
Yoon, qui a été élu avec la victoire électorale la plus étroite de l’histoire de la Corée (0,7 %), est un client des États-Unis, soutenu précisément pour avoir promis de mettre en œuvre une « stratégie indo-pacifique » sud-coréenne, un clone de la stratégie indo-pacifique américaine, une stratégie belligérante, escalatoire et hybride militaire visant à encercler et à abattre la Chine.
Lorsque Yoon a été élu, les bouchons de champagne ont volé à Washington. Si Yoon avait choisi de perpétuer le pouvoir par la loi martiale, les États-Unis auraient probablement fermé les yeux, comme ils l’ont fait pendant des décennies sous Park Chung Hee et Chun Doo Hwan.
Les enjeux sont très importants.
Toutefois, contrairement à ses prédécesseurs du parti conservateur Park Chung Hee, Chun Doo Hwan et Roh Tae Woo, Yoon n’est pas un ancien général. En fait, il a échappé à l’appel sous les drapeaux, ce qui détruit généralement les carrières politiques.
Le fait qu’il ait pu accéder à la plus haute fonction indique que des forces extraordinairement puissantes (comme l’État américain chargé de la sécurité nationale) ont joué un rôle déterminant dans son ascension au pouvoir.
Elles lui ont certainement permis de bénéficier d’une couverture médiatique aux heures de grande écoute, y compris l’accès à la plateforme médiatique la plus influente au monde : un article en couverture du magazine Foreign Affairs dans lequel il professe son allégeance à la doctrine américaine.
Des temps dangereux et sombres nous attendent encore, surtout si les Coréens se soulèvent (comme ils l’ont toujours fait) et que le président Yoon répond par une répression militaire et policière massive.
Traduit par JP avec DeepL
Voir en ligne : https://consortiumnews.com/2024/12/...
K.J. Noh est analyste politique, éducateur et journaliste, spécialisé dans la géopolitique et l’économie politique de l’Asie-Pacifique. Il a écrit pour Dissident Voice, Black Agenda Report, Asia Times, Counterpunch, LA Progressive, MR Online. Il commente et analyse également fréquemment divers programmes d’information, notamment The Critical Hour, The Backstory et Breakthrough News.