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Cameroun : Dorgelesse, Paul Biya et le droit à manifester

vendredi 2 décembre 2022

Le 7 décembre 2021, Dorgelesse Nguessan est condamnée à cinq ans de prison par un tribunal militaire. Son crime ? Avoir manifesté dans son pays, le Cameroun. Comme elle, cinq cents autres Camerounais ont été arrêtés lors de ce rassemblement pacifique organisé le 22 septembre 2020 par le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), le parti de l’opposant Maurice Kamto.

La jeune femme était coiffeuse et envisageait d’ouvrir un salon de beauté à Douala. Emmenée dans un commissariat avec vingt-deux autres personnes, elle a été victime d’une tentative d’agression sexuelle par un policier. Elle a finalement été enfermée à la prison centrale de Douala.
Elle a aujourd’hui 37 ans.

A Douala comme dans d’autres prisons camerounaises, croupissent des centaines de membres du MRC. Arrêtés chez eux tôt le matin, certains n’ont même pas eu l’occasion de manifester. Tous ont été jugés dans le cadre de la loi du 12 juillet 2017 portant Code de justice militaire, notamment son article 8-C, qui dispose que le tribunal militaire est compétent pour« des infractions relatives aux actes de terrorisme » et des cas d’atteinte à la « sûreté de l’État ».

Dans le Cameroun de Paul Biya, au pouvoir depuis plus de quarante ans, manifester pacifiquement relève donc du terrorisme.

Manifester est un droit

Promiscuité, insalubrité, surpopulation, violence, corruption… Ainsi que le raconte dans nos colonnes Jean-Bruno Tagne, les conditions d’incarcération sont particulièrement inhumaines. Les prisons construites, pour certaines, il y a plus d’un siècle, accueillent quatre à cinq fois le nombre de détenus prévus. C’est là que Dorgelesse attend le jour où elle pourra retrouver son garçon qu’elle élevait seule.

L’histoire de Dorgelesse est une parmi dix autres dans le monde que l’ONG Amnesty International a choisi de mettre en avant pour le lancement de sa campagne annuelle « 10 jours pour signer » axée sur le droit à manifester.

L’organisation a publié en juillet 2022 un état des lieux de ce droit sans cesse remis en cause, en Afrique comme ailleurs. C’est pourtant bien souvent le dernier moyen pour des citoyens de se faire entendre.

Et c’est peut-être cette difficulté croissante d’être écouté qui explique en partie l’augmentation du nombre de manifestations dans le monde : elles ont été multipliées par quatre entre 2016 et 2020 (Isabel Ortiz, Sara Burke, Mohamed Berrada et Hernán Saenz Cortés, « World Protests : A Study of Key Protest Issues in the 21st Century », 2022).

Dorgelesse n’est pas seule, loin de là.

   

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